Il faut flinguer Ramirez Acte 2 — Nicolas Pétrimaux.

Il faut flinguer Ramirez Acte 2 — Nicolas Pétrimaux.

26 décembre 2020 Non Par Paul Rassat

Tarantinesque ?

Du sang, du rythme, les paysages grandioses ou bien destroy des USA, alors pourquoi pas Tarantino comme l’écrivent les bonnes âmes ? Mais en bon Frenchie on peut aussi bien évoquer la violence insupportable d’un Boris Vian dénonçant le progrès écrase-sentiments et tue l’amour.

Un frigidaire, un joli scooter, un atomixer…
Une cuisinière, avec un four en verre
Des tas de couverts et des pelles à gâteau!
Une tourniquette pour faire la vinaigrette
Un bel aérateur pour bouffer les odeurs

[…]
Et si la belle se montre encore rebelle
On la ficelle dehors, pour confier son sort…

Au frigidaire, à l’efface-poussière
A la cuisinière, au lit qu’est toujours fait
Au chauffe-savates, au canon à patates
A l’éventre-tomate, à l’écorche-poulet!

Boris Vian La complainte du progrès

Vian, Audiard pour la gouaille et l’exagération, Yanne pour la dérision et la dénonciation de la pub, mixés en western contemporain à la sauce cartel, un chouia road movie.

L’intrigue ?

Elle déborde, nous déborde, nous dépasse et nous emporte. Dire qu’en fin d’album Nicolas Pétrimaux cite deux personnes, l’une chargée du suivi de projet, l’autre du suivi de production ! Le seul fil à suivre tout du long, s’il y en a un, est celui de l’aspirateur qui tient lieu de vedette et accompagne Ramirez.

Tout le reste n’est qu’énergie, inventivité, fantaisie et rythme dans la mise en page, soin dans le dessin, goût, parfois mauvais, souvent somptueux. Tout explose. Les dialogues éclatent en chapelets de bulles qui relient les cases, au cas où il en manquerait une quelque part.

L’ensemble repose (si l’on peut dire) sur un entrelacement de quiproquos, de méprises, de malentendus qu’alimente le mutisme de Ramirez.

Publicité détournée, intelligence récupérée.

Étant passé par la publicité, l’auteur en a gardé un sauvage besoin de vengeance et de reconquête de sa dignité, non mais ! L’intrigue ressemble à une viande persillée. Elle est entrelardée de pubs du style :

Bobby Z Burger
C’est beau, mais c’est gras.
La petite bombe intestinale. 
Nos vaches sont élevées en Chine puis éduquées en Suisse, pour ensuite faire une magnifique croisière et mourir dignement la tête dans un portique rouillé au Japon.

Le fameux magazine VOILI-VOILOU propose une interview : une question de cinquante lignes, une réponse en dix mots. Et qui ne dit mot consent…

Dans ce flot de parodie publicitaire propre à regagner du temps de cerveau libre contre une marque de soda, une info intéresse tout particulièrement Talpa-mag : « Les Tulip N’ Rifles reviennent avec un album taupe ! Douleurs illusoires V. »

Pourquoi lire  » Il faut tuer Ramirez » Acte 2 ?

Pour le plaisir. Celui que Nicolas Pétrimaux met à dessiner, pour le plaisir de situations cocasses, burlesques, pour le mélange des genres, pour le choc de l’invasion publicitaire dans de somptueux paysages, pour une réplique comme celle-ci

« OooH, vous savez… la politique de la maison… Nous, on ne cherche plus à comprendre ! » Pour le plaisir d’une situation hautement philosophique, la solitude désespérée du héros presque nu sur la cuvette des WC, un pistolet à la main.

Suivre Ramirez et Pétrimaux, c’est pas du gâteau mais un vrai bonheur absurde et pétillant.

Et pendant ce temps la taupe creuse.