Emmanuele Crialese, l’Immensità

Emmanuele Crialese, l’Immensità

14 octobre 2022 Non Par Paul Rassat

L’immensità, d’Emmanuele Crialese, était projeté à la soirée d’ouverture d’Annecy Cinéma Italien. Le titre du film est à la fois un oxymore et une convergence. L’immensité alors que tous, dans ce film, sont pris dans une cage, prisonniers. Prisonniers des codes de la bourgeoisie, de l’hypocrisie et du mensonge, de la morale, de la religion. Ces prisons ne laissent aucune place à la complexité. Chacun doit correspondre à un profil type. La mère soumise (donc perdue). Le père autoritaire, indiscutable, qui casse la famille. Les enfants, enfants et la grand-mère, grand-mère…

Et pourtant, Adriana-Andrea

Atypique, l’adolescente Adriana se sent garçon. Elle est prisonnière d’un corps qui ne lui correspond pas. Son ambiguïté intrigue, dérange, tout comme le prénom qu’elle se choisit. Andrea, prénom androgyne, entrouvre la prison. L’héroïne-héros s’invente même une origine extra terrestre !

De la prison à l’imagination

La pauvreté de cette condition subie oblige à l’imagination. C’est sinon la dépression, le renoncement à soi que vit la mère de famille. Sa fantaisie traduit plus le désespoir que l’originalité. Certains se souviennent du livre L’aventure est au coin de la rue. Pour Andrea, elle est de l’autre côté de celle-ci. Au-delà d’une zone de roseaux ou de bambous, un terrain vague abrite un campement d’ouvriers. La dureté de leur vie les oblige à l’entraide. Ils ne jugent pas et accueillent Andrea telle qu’il / elle se présente.

Ouvert / fermé

Tout un jeu de symboles balise le chemin d’Andrea. Comme lorsqu’elle organise la confusion la plus totale entre les clefs de voitures et les poches de leurs propriétaires. Ordre, dressage des enfants d’un côté. Déguisements, contorsionnisme de l’autre. Emmanuele Crialese, dans ce film autobiographique, rend concrète cette volonté d’être autre pour mieux être soi. Sans discours théorique, ni démonstratif. Pas de prénom épicène version Amélie Nothomb pour faire genre, mais une histoire vécue, incarnée.

Symbolique, encore

Andrea avale des hosties à s’en rendre malade. Le « corps du Christ » est-il le Christ ? Le corps féminin d’Andrea est-il Andrea ? Un grand film, prenant, qui vaut tous les débats, toutes les argumentations. D’une immense cohérence dans la confusion familiale et sociale qui ne tient que par le vernis des apparences. Changez le papier peint des années 60/70, le mobilier et les voitures, vous avez l’éternel débat entre les réactionnaires et le désir d’être soi autrement qu’en s’imposant dans un cadre préfixé.