Épisode trois : brève histoire de la gastronomie

Épisode trois : brève histoire de la gastronomie

18 août 2023 Non Par Paul Rassat

Épisode où l’on tente une explication quant aux différenciations sociales et de genre en matière de nourriture.

Une différence fondamentale entre les comportements féminin et masculin remonte certainement à cette époque préhistorique. Les contraintes matérielles, sociales et biologiques poussaient alors les hommes à partir à la chasse afin de rapporter du gibier et d’indispensables protéines alors que les femmes, faute de crèches, demeuraient à proximité des foyers et des enfants pour se livrer à la cueillette. Les hommes demeuraient cois pour ne pas effaroucher l’éventuel gibier, les femmes papotaient agréablement car les herbes et les baies ne s’enfuient pas. Les entreprises qui ont inventé le téléphone mobile l’ont bien compris et savent s’adresser aux femmes pour vendre leurs appareils, surtout parce  que celles-ci sont capables de faire deux choses à la fois, papoter et travailler. Les hommes, eux, ont toujours autant de mal à exprimer leurs émotions et leur moi profond. Du mal aussi à faire les courses en compagnie de leurs épouses ou de leurs compagnes si épanouies dans les travées des grandes surfaces où elles cueillent les produits à leur portée pendant que leurs conjoints rêvent de chasse aux buts, aux essais et aux exploits sportifs télévisés. Ne parlons même pas des soldes qui auraient fait fureur pendant la préhistoire.

La mode du chariot à roulettes dans les grandes surfaces apporterait un compromis censé satisfaire les deux sexes et les autres : faciliter la cueillette dans les rayons tout en faisant croire au mâle qu’il tient en laisse derrière lui un animal sauvage qu’il a réussi à domestiquer.

La quête de la nourriture conditionne encore beaucoup de nos comportements.

C’est pourquoi Jean-François Revel pose la question « Comment bien manger sans réellement se nourrir ? » Telle pourrait être la question à laquelle cherche à répondre la gastronomie qui ne peut donc, par définition, évoluer que pendant les périodes de l’Histoire qui échappent aux famines et aux disettes, ou par l’intermédiaire de ceux qui , pendant ces mêmes périodes, ont les moyens de faire bombance.

À l’appui des lignes qui précèdent, citons « Le dictionnaire du diable » d’Ambrose Bierce dans lequel la seule référence à la nourriture apparaît à l’entrée « Appétit, n. 

 Instinct délibérément implanté par la Providence afin de servir de Muse du travail. »

Après « pas de mots, pas de gigots », « Pas de travail, pas de boustifaille. »

L’appétit pourrait ainsi se réduire à son rôle indispensable dans le processus de motivation au travail, ce qui confirmerait que les gens riches et les rentiers mangent par pur plaisir et non par nécessité et qu’il leur faille une mise en scène des mets telle que celle proposée dans le Satyricon : « Nous ne savions encore de quel côté diriger nos hypothèses, lorsqu’en dehors du triclinium il s’éleva une clameur énorme, et voici que des chiens de Laconie se mirent à courir dans tous les sens autour de notre table. À leur suite vint un dressoir, sur lequel reposait un sanglier de première grandeur et coiffé d’un bonnet ; à ses défenses pendaient deux corbeilles tissées de palmes tressées, l’une remplie de dattes de Carie, l’autre de dattes de la Thébaïde. Tout autour, de petits marcassins faits de croûtes de pâté, qui semblaient suspendus à ses mamelles, faisaient entendre que c’était une laie qui gisait là. Et pour découper le sanglier…Il tira son couteau de chasseur, et, en portant un coup violent au flanc du sanglier, il y fit un trou d’où s’envolèrent des grives… »