Fabrique d’images et de passerelles à La Fabric Salomon

Fabrique d’images et de passerelles à La Fabric Salomon

21 avril 2024 0 Par Paul Rassat

C’est effectivement une fabrique d’images, de passerelles et d’échanges que nous propose l’exposition Anima Quand le dessin s’anime organisée à La Fabric Salomon. Un même élan y réunit le Frac Picardie, la galerie Miyu et la Fondation Salomon.

Conversation avec Pascal Neveux qui dirige le FRAC Picardie.

Vous dirigez le FRAC Picardie. Qu’est-ce qui a motivé votre participation à cette exposition née d’une collaboration entre trois structures de statuts différents ?

Il y a effectivement deux structures privées, le studio Miyu, la Fondation Salomon et le FRAC Picardie basé à Amiens, structure publique. Nous souhaitions montrer la richesse de nos collections pour les inscrire dans la thématique des techniques de l’animation avec l’un des principaux studios spécialiste de cette discipline aujourd’hui. L’exposition permet de croiser les esthétiques, des artistes très repérés dans le champ de l’animation, ceux qui le sont dans le domaine des arts plastiques afin de créer des passerelles. Qu’on soit de statut privé ou public, un écosystème se met en place pour soutenir les artistes, les aider à produire, diffuser leurs œuvres. Il y avait fondamentalement l’idée d’un dialogue entre la collection du FRAC et celle de Jean-Marc Salomon pour montrer à Annecy des  œuvres exceptionnelles.

Le décloisonnement entre les structures de statuts différents, entre les genres crée une ouverture dans laquelle vous vous engouffrez ; que vous suscitez aussi.

Oui, mais ce sont surtout les artistes qui sont très curieux, motivés pour aller découvrir des écritures différentes. Beaucoup de plasticiens ont envie de créer leur premier film, leur propre film d’animation sans en maîtriser forcément les techniques. Il travaillent parfois de manière très empirique, sans l’appui d’un studio. Notre idée était donc de réaffirmer ces ponts, ces proximités qui existent entre des artistes très repérés dans le champ des arts plastiques mais qui connaissent peu le dessin d’animation en termes de technique, et à l’inverse, des auteurs de films d’animation très peu repérés dans le champ des arts plastiques mais qui ont souvent, comme références, beaucoup de plasticiens. Nous souhaitions montrer toutes ces porosités. William Kentridge est très repéré dans le dessin d’animation. Bertrand Dezoteux adore Roland Topor. L’exposition commence avec un Georges Méliès pour montrer qu’on est dans une histoire au long cours, avec des générations d’artistes totalement différentes. Henri Michaux a toujours rêvé de faire des films, tout ceci crée un très joli dialogue. Il y a plein de messages dans cette exposition : les arts plastiques constituent une grande famille qui doit travailler ensemble quels que soient les statuts des uns et des autres. Et puis, nous nous trouvons à Annecy avec son festival d’animation. À ceci s’ajoute l’histoire de Jean-Marc Salomon. Cette exposition révèle pour la première fois toutes ces attentes, ces possibilités.

Elle est à la fois un aboutissement et un départ.

C’est le chapitre un d’une grande aventure autour de l’animation. Nous aurions pu réaliser deux ou trois autres expositions avec beaucoup d’artistes que nous avons envie de montrer, nouveaux, confirmés, avec des esthétiques et des écritures très différentes. C’est le début d’une belle aventure.

Emmanuel-Alain Raynal et Pascal Neveux

Échange avec Emmanuel-Alain Raynal qui a fondé et dirige Miyu.

Miyu, pourquoi le choix de ce prénom japonais pour votre sutdio ?

Il n’y avait aucune intention particulière dans ce choix. C’est un peu comme un cadre vide…

Qui vous laissait toute liberté pour le remplir.

C’est ça.

Vous êtes atypique, galerie, studio, production, diffusion. Vous êtes ici en collaboration avec des structures de statuts différents. Vous créez tout un maillage.

Il illustre cette envie profonde de défendre les techniques d’animation. Nous voulons, avec nos camarades, pousser les frontières de l’animation pour montrer à quel point ses techniques peuvent apporter à l’esthétique contemporaine, qu’elle soit cinématographique ou plastique. Dans cet élan, nous avons lancé une activité art contemporain qui valorise le travail plastique et visuel  de cinéastes d’animation, mais aussi les techniques animées dans les pratiques visuelles contemporaines. Avec cette exposition nous sommes exactement dans l’expression de cette volonté. La rencontre avec Pascal Neveu et Jean-Marc Salomon a permis de lancer ce projet.

Et puis vous êtes un peu chez vous à Annecy.

Je ne suis pas chez moi, mais je viens chaque année. L’année dernière a été particulière puisque nous avons remporté le Cristal du long métrage et celui du court métrage. Nous sommes là dans notre activité de galeriste autour de l’art contemporain, avec des artistes qu’on pousse sans forcément les produire dans le cadre de notre activité de production. Tous les films qui sont là ne sont pas fabriqués chez nous.

D’où vous vient cette ouverture d’esprit ?

Mon père a été éditeur et écrivain. Il s’est battu toute sa vie pour le roman noir en affirmant très fort qu’il n’y a pas de littérature de la périphérie. Il a été éditeur à la Série Noire… Si je me retrouve aujourd’hui accompagnateur d’artistes, avec ce goût pour l’animation, c’est une façon de dire qu’il n’y a pas de cinéma de la périphérie. L’animation est du cinéma et de l’art. L’ouverture vient de là, il faut tendre les bras, regarder partout. Ma curiosité est permanente. Chaque matin je suis impatient de découvrir le travail des artistes, je recherche l’éblouissement. J’ai la chance de me trouver à un endroit où je peux observer la création de manière privilégiée. Je suis en revanche très mauvais créateur.

Vous êtes au service de la création.

Je suis garant des intentions des artistes, voilà comment je définirais mon travail de producteur, qui est mon activité principale.

Un nouvel élan

Charlotte Debraine Molina avait dans un premier temps souligné l’intérêt de Jean-Marc Salomon pour le cinéma d’animation et l’engagement très actif de Nicole Salomon pour créer le Festival du Cinéma d’Animation à Annecy. «  Quand on en a envie, les choses sont possibles. » Il est significatif de noter que l’exposition résulte d’un maillage et qu’elle en crée de nouveaux. Au vernissage étaient représentés Bonlieu Scène Nationale, la médiathèque de Bonlieu, BD Fugue, le Musée Château d’Annecy, CITIA… La ville s’anime autour du dessin qui s’anime !

L’esprit malin

L’une des œuvres exposées de Topor représente parfaitement la verve du bonhomme. Il représente le journaliste Félix Fénéon, spécialiste des faits divers en trois lignes. Voici quelques exemples de ses Nouvelles en trois lignes :

—  Le Dunkerquois Scheid a tiré trois fois sur sa femme. Comme il la manquait toujours, il visa sa belle-mère : le coup porta.

—  M. Abel Bonnard, de Villeneuve-Saint-Georges, qui jouait au billard, s’est crevé l’œil gauche en tombant sur sa queue.

—  Dormir en wagon fut mortel à M. Emile Moutin, de Marseille. Il était appuyé contre la portière ; elle s’ouvrit, il tomba.

—  Aux Jobards (Loiret), M. David, furieux que sa femme n’aimât pas que lui, l’a tuée à coups de fourche et de fusil.

—  C’est au cochonnet que l’apoplexie a terrassé M. André, 75 ans, de Levallois. Sa boule roulait encore qu’il n’était déjà plus.

Quelques mots, et l’image en mouvement.