Faire, care et substantification
11 janvier 2022La substantifique moelle
« Rompre l’os et sucer la substantifique moelle. », c’est ce que conseille de faire François Rabelais. Savoir dégager l’essentiel, aller au fond des choses. Il faut pour cela qu’il y ait de la substance à dégager. Alors notre époque aime à transformer des mots en substantifs. Les substantifs sont des noms et on pense qu’ils apportent de la matière. (Photo IGA.net)
Le faire
« Le faire » est assez tendance chez nos dirigeants. Valérie Pécresse se voit bien en dame de faire. Il y eut la Dame de Fer, il y aurait bien à l’Élysée une Dame de Faire. C’est qu’il faut battre le faire quand il est show. Et puis, il faut « faire société » afin de créer un véritable « vivre ensemble. » Cet activisme forcené contraste avec l’écriture de Romain Rolland dans Colas Breugnon « Le divin ne-rien-faire où l’on fait tant de choses ! » et avec cette musique gardée en mémoire « Le bruissement des feuilles froissées s’effaça comme un sillage sur la surface de l’eau. » À lire à voix haute, lentement, pour en apprécier la musicalité paresseuse. À trop vouloir « faire », la velléité prend le pas sur la volonté et nos élus briguent de nouveaux mandats car ils n’ont pas eu le temps.
Le care
Ce mot dit un anglicisme qui mêle, lui aussi verbe et nom. Il paraît qu’il n’a pas d’équivalent français d’après un savant article publié par CAIRN. Or tous les sens du mot « care » passés en revue dans ce texte sont exprimés aussi par le mot « soin » : souci, préoccupation, attachement de la pensée ou de l’esprit à quelqu’un. Intérêt, attention pour. Occupation, responsabilité. Actes de sollicitude. On peut d’ailleurs « être aux petits soins ». Actes par lesquels on s’occupe du bon état. Ensemble de moyens, d’actions mis en œuvre pour rétablir ou entretenir l’hygiène, la propreté, l’esthétique du corps. Soins de santé. L’étymologie du mot « soin » est incertaine. Care vient du latin « cura », traitement d’une maladie. Finalement le champ sémantique de soin est bien plus large que celui de care ! Mais care est tendance.
Soigner son faire
Il serait peut-être excessif d’être dans le care du faire. Trop commun d’être dans l’action ou dans l’agir. Alors, laissons faire ?