Fin de Halte

Fin de Halte

4 septembre 2025 0 Par Paul Rassat

Fin de Halte ou dernier épisode de La Halte de l’Abbaye.

L’homme est un cheval pour l’homme

L’homme est décidément un loup pour l’homme, ou plutôt un cheval.

Nous pensions étanchée mais surtout muselée la soif de gains faciles qui a mené au scandale de la viande de cheval (sans selle) dans les lasagne. Nous venons cependant d’avoir connaissance d’un scandale encore plus inadmissible sur lequel la justice enquête activement. On servirait dans certains établissements de restauration du bœuf de Kobé ! Du bœuf en place de viande humaine !

   Quelle tromperie ! Servir de la viande animale dont la production nécessite une quantité d’eau et d’énergie si peu compatible avec la préservation de l’environnement; sans compter les émissions de gaz animaux qui contribuent au réchauffement de la planète alors que la viande humaine court les rues du monde entier !

   Préservons les filières éco-responsables en matière d’alimentation, c’est ainsi que nous préserverons l’avenir de notre planète.

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Août 2018

La canicule avait laissé place à une soirée fraîche et la suffocation des jours précédents avait disparu. La salle de restaurant pétillait des conversations enjouées en français, anglais, allemand…et les commandes de steaks tartares allaient bon train.

   Conversations couvertes assez régulièrement par les braillements d’un individu mâle en bas âge, du genre bébé capricieux.

   Placé comme je l’étais, je remarquai l’approche professionnelle de Mme Torlane qui, sans un mot, obtint l’assentiment du couple et s’empara prestement du bambin. Quelques regards avaient suffi.

    Je peux affirmer qu’à part moi aucun client n’avait rien remarqué.

Quelques instants plus tard, la propriétaire des lieux me proposait, pour changer de l’habituel tartare, un rôti juste saisi de nourrisson fraîchement sevré accompagné d’herbes du Mâconnais et relevé de rhubarbe. Un ravissement ! Croquant, moelleux, tendre. Un véritable retour en enfance.

   Nous rejoignons ici la pertinence d’un Jonathan Swift qui dans sa « Modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres en Irlande d’être à charge à leurs parents et à leur pays et pour les rendre utiles au public » conseille aux pauvres qui ne peuvent élever leurs enfants de les vendre aux riches qui s’en régaleront après les avoir engraissés.

Voici réglé le problème des allocations familiales mais aussi le douloureux problème des avortements qui se pose encore dans de nombreux pays. Plutôt que de voir à contre cœur une vie disparaître, n’est-il pas plus agréable de la céder à des gens qui en apprécieront toute la saveur ?

   Notons que la serveuse embauchée en avril est toujours là, et qu’elle se garde de prendre de l’embonpoint.

Sic transit gloria mundi

L’actualité nous impose l’humilité. Paul Bocuse a quitté l’immense pot-au-feu que devient la planète au feu du réchauffement climatique. À ce propos, Pierre Dac écrivait «  Je pense souvent, non sans vertige, à la quantité de bœuf et de légumes qu’il faudrait pour faire un pot-au-feu avec l’eau du lac Léman ! » 

   Joël Robuchon a suivi Paul Bocuse, ainsi tout est transit , intestinal ou de la gloire, transit qu’il faut tout de même alimenter et de manière aussi ambitieuse que l’envisageait Pierre Dac.

   La révolution Torlane constitue une proposition dont les caractéristiques forment à elles seules un univers transversal à l’écologie, à la santé, à l’économie, à la régulation des populations. Le nouveau paradigme tant attendu !

   Au-delà de la qualité et de l’originalité des recettes permettant de cuisiner la viande humaine désormais proposée aussi sous forme de soupe, de fonds et de jus de viande, il est à noter qu’on peut parler aujourd’hui de véritable cuisine du monde qui va du pot-au-feu si cher à Paul Bocuse et à pierre Dac au tartare, au carpaccio, au foie gras, au sashimi, à la goulash, à la tanjia de Marrakech, aux tajines et à bien d’autres spécialités comme le hamburger, les saucisses de Strasbourg, de Francfort ou d’ailleurs.

   Voici de quoi consommer de la viande sans aucune culpabilité et même avec une certaine fierté, dans un esprit de partage, d’œcuménisme et de syncrétisme spirituel et religieux conforme à la célèbre formule « Aimez-vous les uns les autres. » Nous sommes si loin des blagues oiseuses d’autrefois du genre « Tu aimes ta mère ? Oui ? Alors reprends-en. »

   La consommation de viande humaine est définitivement considérée comme un engagement écologique et sociétal. Voyons s’il est possible d’aller plus loin encore.

   Nous avons tous été révoltés par la révélation des mauvais traitements infligés dans certaines maisons de retraite aux personnes âgées. La dépendance constitue par ailleurs un problème économique et moral qui s’ajoute à celui des retraites et de la surpopulation.

   C’est pourquoi s’impose une solution : considérer les 3° et 4° âges comme un immense garde-manger humain, en convaincre toutes les générations grâce à une nouvelle approche culturelle à développer tout au long du cursus humain, de la maternelle à l’âge de la retraite.

   Finies la dégénérescence, la sénilité, les maladies liées à l’âge, la dégradation de l’image de soi. Les mauvais parents pourraient enfin faire plaisir à leurs enfants, les anonymes donneraient un sens à leur vie.

   Ce don des personnes âgées à la société entraînera un rajeunissement considérable de la population, la disparition très rapide des conflits générationnels et une meilleure homogénéité de la société, dégagée du poids de l’Histoire à laquelle les vieux sont tellement attachés, et tournée vers l’avenir, donc vers le changement, la consommation et la mode. Autant de freins en moins au progrès et à la modernisation , d’atouts pour libérer le travail.

   En place des retraites interminables impossibles à financer pendant qu’on verse des dividendes aux actionnaires, le couple Torlane, en accord avec la direction de l’abbaye de Cluny, propose une retraite spirituelle, un affinage des chairs et des esprits avant le grand départ, qui reposera sur un jeûne propre à réconcilier toutes les religions et redonnera à ladite abbaye tout le rayonnement et l’éclat  qui l’auréolaient lorsqu’elle était l’un des centres culturels et spirituels de l’Europe et du monde.

  Un label « Cluny, le cadeau de la Méduse » est en cours d’élaboration. Le cahier des charges impose de privilégier la consommation de viande crue ou cuite à basse température, les circuits courts, l’économie circulaire et la réduction drastique des déchets. La formule barbecue ne sera autorisée qu’en hiver afin de ne pas surchauffer inutilement la planète.

   Le jeûne d’affinage imposera l’absorption de bouillons clairs aromatisés aux herbes de Provence, à la menthe, à l’ail des ours et à d’autres plantes naturelles afin de développer toute une gamme de produits.

   Aux vertus écologiques évidentes de ce nouveau modèle d’alimentation, il faut ajouter la dimension démocratique et républicaine :

_ Liberté du don de soi

_ Fraternité de la transmission concrète

_ Égalité de traitement pour tous.

Précisons pour conclure et affirmer cette dimension égalitaire qu’un fromage de tête réalisé au Prix Nobel ou avec le premier venu apporte strictement les mêmes qualités nutritionnelles et gustatives.

In cauda impomenta

Que de chemin parcouru depuis ce client venu du ciel et tombé dans la cave de la Halte de l’Abbaye !

L’information vient d’être officiellement confirmée : l’Abbaye de Cluny hébergera très prochainement une école de cuisine. Celle-ci a pour vocation d’accueillir des chefs du monde entier et de les former à la gastronomie anthropophage. L’Institut Paul Bocuse et la Fondation Marc Veyrat sont susceptibles de participer à cette belle aventure.