Frédéric Doucet, une étoile Michelin, toujours en chemin
25 mai 2021Confinement et contraintes finalement positives
Frédéric, un chef étoilé au Michelin qui devient pendant un moment chef à domicile, c’est une drôle d’aventure !
Le confinement nous a poussés à nous réinventer. Nous innovons depuis un an, ce qui nous permet de garder un esprit positif. La situation a été paradoxalement très enrichissante puisqu’elle nous a obligés à réfléchir différemment. Pour le service à domicile, nous nous déplacions chez les gens pour leur proposer les plats du restaurant gastronomique. Ils devaient tous faire le même choix.
C’était plutôt des habitués de votre restaurant ?
Sur une douzaine de prestations, l’essentiel était constitué d’habitués. D’un anniversaire pour deux à un groupe de personnes.
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Qu’est-ce que vous en avez retenu ?
Les échanges avec la clientèle, les discussions, la curiosité pour notre métier, pour les gestes techniques. Il n’y a pas eu véritablement de problèmes d’adaptation puisque les lieux qui nous ont accueillis avaient des cuisines appropriées. Nous avons aussi beaucoup pratiqué la restauration en chambre. Elle a été un véritable succès.
Une identité liée au territoire
Revenons un peu en arrière. Comment analysez-vous votre étoile Michelin ?
J’ai longuement essayé de l’obtenir quand je travaillais avec mes parents, jusqu’en 2007. Peut-être que je voulais trop l’avoir à l’époque. Elle m’a été attribuée en 2012. J’avais alors réfléchi pendant deux ans, je m’étais recentré et avais recherché plus de rigueur. L’équipe que nous avons constituée y contribue beaucoup.
Votre ancrage dans le territoire, à Charolles, dans la région avec vos producteurs est un véritable atout en temps normal et peut-être un frein avec le COVID.
Nous avons toujours travaillé autour de chez nous. Presque tous nos produits viennent de moins de cent kilomètres autour de notre maison. C’est ce qui apporte une forte personnalité à ma cuisine. Pendant le confinement nous avons visité beaucoup de productrices et de producteurs pour goûter de nouveaux produits. Nous avons mis cette contrainte à profit.
Les phases du confinement et le plaisir de se retrouver
Beaucoup de chefs vous rejoignent. Si le confinement a été trop long, la première phase a cependant permis de se ressourcer, de réfléchir.
Pendant le premier confinement il s’est passé beaucoup de choses. L’arrêt est brutal. On ne comprend pas vraiment pourquoi on nous empêche de travailler. On se demande ce qu’on va devenir parce qu’il faut tenir compte du personnel, des emprunts. Ensuite on admet. C’est comme ça ! La phase suivante est « Qu’est-ce que je vais faire pour me réinventer ? »
Toutes ces phases nous ont permis de revivre actuellement le plaisir d’être ensemble, de nous retrouver. C’est un vrai bonheur de pouvoir de nouveau accueillir des clients. La joie partagée en ce moment est magique. À cause ou grâce à ce virus. Notre bonheur est accru par le plaisir de nos clients.
Une cuisine lisible, recentrée sur l’essentiel
Votre établissement s’appelle « Maison Doucet ». Il y a une tradition, une transmission, l’ancrage dans le territoire et la nécessité de vous inventer personnellement. Comment définiriez-vous votre cuisine ?
Elle reflète le territoire bourguignon et ses produits. Elle n’est pas compliquée : le produit, une bonne sauce, un condiment qui vient booster l’ensemble. Cette lisibilité vient avec la maturité. Elle correspond au goût de notre clientèle.
Une proposition cohérente
Vous évitez le baroque et l’excentrique. Michel Rochedy aime citer Curnonsky [ le prince des gastronomes] « Faites simple, vous risquez de faire bon »
C’est aussi ce que disait Monsieur Paul [ Frédéric Doucet a fait ses armes chez Paul Bocuse, Pierre Orsi, Les Troigros]. Je pense être arrivé à gommer le geste ou l’élément inutile dans ma cuisine. C’est la même approche que celle d’un sportif qui est tous les jours à l’entraînement. Il faut être exigeant avec soi et avec l’équipe pour relever le défi. L’ouverture de notre Bistrot du Quai m’a permis de jouer sur différents tableaux. L’entrecôte de quatre cents grammes était liée à l’établissement. Nous la gardons mais elle a traversé la rue et je propose quelque chose de plus léger au restaurant gastronomique où la clientèle a changé. Bistrot et restaurant sont complémentaires et peuvent satisfaire tous les goûts. L’hôtel, le spa s’y ajoutent pour former un ensemble cohérent.
Toujours en chemin
Vous constituez une halte agréable en lien avec toute la région, les découvertes, les balades.
Je travaille depuis un an avec Diane Loury, une botaniste incroyable qui nous emmène cueillir des plantes sauvages. Nous allons en faire profiter notre clientèle lors de promenades à travers les prairies et les vallons du Charollais. Le produit de nos cueillettes se retrouve dans les plats que nous cuisinons.
Il y a donc encore des découvertes à faire.
D’autant plus que je souhaite progresser encore avec l’équipe qui m’accompagne.