Homo et cerveau
18 juin 2023Dans la longue cordée qui mène jusqu’à nous, il y eut entre autres l’Homo habilis, l’Homo erectus, l’Homo sapiens et l’Homo sapiens sapiens. Tout ceci est histoire de cerveau, dont Talpa a déjà traité. Le cerveau est naturellement bipolaire. Cerveau, il est le siège de la pensée. Cervelle, il se mange. Notons que si la pensée a un siège, il convient de penser qu’elle a aussi un fondement. Pour Ambrose Bierce dans son Dictionnaire du Diable, le cerveau est l’ « appareil avec lequel nous pensons que nous pensons. » Vertige de la pensée répondant au vertige de l’amour version Bashung, contrepèterie en moins. ( Image adaptée par Franz Schimpl).
Du faire au savoir
L’Homo faber, qui aurait pu faire partie de la liste mais que l’on a préféré appeler « habilis », était dans le faire. Déjà très en avance pour son temps. L’Homo sapiens sapiens savait qu’il savait. Il savait aussi qu’il ne savait pas tout. Mais au 19 ème siècle vint l’Homo sapiens qui croyait qu’il saurait tout un jour. C’est ce que l’on a appelé le positivisme. On se rend aujourd’hui compte qu’il est impossible de tout savoir. Quel serait en effet ce « tout » enveloppant tout ce que l’on saurait qui formerait le tout ? Allez savoir ! S’il est impossible de tout savoir, la publicité, en revanche, peut tout. Et c’est ainsi qu’ « Avec Carrefour je positive ». Pour le travail, pour les impôts, j’optimise.
L’Homo costumato
Après toute cette procession d’Homo divers vint l’Homo qui traversa la rue pour trouver du travail. Lui succéda l’Homo costumato. L’Homo qui avait traversé la rue pour trouver du travail avec le revenu duquel il s’était acheté un costume grâce auquel il avait été élu Président de la République. À moins que ce ne fût l’inverse.
L’Homo mobilis
Lui succéda l’Homo mobilis qui ne se déplaçait que le téléphone à la main. Il était devenu support de téléphone.
L’Homo écran
Désormais l’Homo écran ( écrantus pour les puristes) est l’espèce la plus répandue. Il avait cru inventer l’intelligence artificielle. C’est elle qui l’a inventé et l’a transformé en outil. L’Homo écran vit branché en permanence et joue sur des écrans ou admire ce qui s’y joue grâce à l’IA. Il ne se rend pas compte qu’il est devenu écran lui-même. Interface. Outil. Sa chosification avait commencé lorsqu’il s’était mis à arborer fièrement des logos sur ses vêtements. Il était devenu homme sandwich se faisant bouffer par la pub. Puis sévit la pubalgie galopante. Elle assit son pouvoir jusqu’à déclarer que la télévision est du temps de cerveau humain disponible pour Coca-Cola.
Joindre l’outil à l’agréable, façon Jean Yanne
L’Homo écran est devenu définitivement l’outil de sa création. Il est en phase terminal. Comme tout outil il peut être remisé, rangé dans une remise de l’Histoire. Il travaille pour sa créature qui le paye en distraction. Distraction de lui-même. Narcisse avait découvert son reflet sur le miroir de l’eau. L’Homo ecrantus ne quitte son reflet selfié, écrantisé, , dupliqué, réseautisé, augmenté par la réalité, télé mis en scènisé que pour aller pisser. Et encore !