Identité
1 mars 2022« On est chez nous. »
C’est une expression intéressante qui prend parfois la forme de revendication. On est chez nous et les autres qui prétendent être chez eux en étant chez nous ne le sont pas. C’est clair. Chez eux, c’est chez eux. Chez nous, c’est chez nous ! Et c’est parce que ce n’est pas chez eux que c’est chez nous.
De on à nous en passant chez
On est un pronom personnel indéfini. Une sorte de pronom neutre. Ni masculin, ni féminin. Neutre comme « quelque chose ». C’est pourquoi il ne faut pas dire « quelque chose de belle », mais « quelque chose de beau. » Indéfini, on est n’importe qui. Presque un infra niveau de l’humain. Nous est un pronom personnel, pas indéfini. Il crée un collectif et confère à ses membres une dimension particulière. Une identité. Étymologiquement, « chez » est la maison. « On est dans la maison de nous » en somme.
Accès à l’être
Le verbe être nous plonge dans un vertige de sens possibles. Se trouver, vivre, exister, avoir un statut, une qualité…Passons sur la confusion avec « On naît chez nous. » Celle-ci évoquerait le droit du sol. Celui qui naît ici fait partie de « nous ». Ou alors on se féliciterait du taux de natalité.
Les individus qui scandent « On est chez nous » se glorifient de passer de l’indifférenciation individuelle à une naissance collective qui leur confère leur identité.
« Je est un autre »
Reprenant Rimbaud, Denis Guedj titre un chapitre de La gratuité ne vaut plus rien « Je est un autre. Du pareil au même. Chercher l’indifférence. On y lit « Te souviens-tu, chérie, que je t’avais chouravé ton stylo ? — Depuis que tu as le même, me disais-tu, je ne retrouve plus le mien. »
L’impossible cohabitation
Dans la légalité moderne de la société mathématique, la définition constitue la naissance officielle d’un être….Confrontées à l’obligation de définition, les mathématiques n’ont cessé de peaufiner les différentes façons de dire « le même ». L’égalité, bien sûr, l’équivalence, mais aussi la similitude, sans oublier l’identité.
Qui s’assemble se rassemble. Et réciproquement ?
Chanter les similitudes ou pointer les différences ? Parfois, en désignant les différences, on produit de la similitude. Combien de fois dans l’Histoire, l’autre, l’étranger, le différent a-t-il servi à produire de la similitude ? Le différent — exhibé à cette fin — fonctionne comme un champ magnétique répulsif ; il nous fait nous voir comme semblables…S’il n’était pas là, il faudrait l’inventer. Souvent, on l’invente. »
Identité
Tout ceci nous mène à la notion d’identité. D’après le TLFi, c’est le caractère de deux ou plusieurs êtres identiques. Ou bien le caractère de ce qui sous des aspects divers ne représente qu’une seule réalité. Et encore le caractère de ce qui demeure identique ou égal à soi-même dans le temps. Tout ceci vient de l’identitas latin, « qualité de ce qui est le même. »
Je est mon double
Ma carte d’identité énonce mon identité. Mais cette identité est-elle moi ? Dans Une carte n’est pas le territoire, Alfred Korzybski écrit. « L’identité se définit comme « la ressemblance absolue sous tous ses aspects », et c’est ce « tous » qui rend impossible l’identité… Quelqu’un pourra dire : « D’accord, mais pourquoi en faire tout un plat ? » À cela je répondrai : « L’identification se retrouve chez tous les peuples primitifs connus ; dans toutes les formes connues de maladies « mentales » ; et dans la grande majorité des mal-ajustements personnels, nationaux et internationaux. Par conséquent il est important d’éliminer de nos systèmes prévalants un facteur aussi nocif. »
Le mot de la fin…qui est un perpétuel recommencement
Talpa a déjà cité le La Fontaine de Michel Serre. Il s’impose encore. « « Et, en général, une culture se construit au carrefour d’autres cultures et ne découvre son essence qu’en s’ouvrant à tous les vents. Divine surprise : ce que vous appelez identité ne se définit qu’en cumulant des altérités…Qu’est-ce que l’identité ? L’intersection d’appartenances. »