Infra

Infra

20 octobre 2022 Non Par Paul Rassat

Infra signifie au-dessous. Il semblerait que nous plongions dans l’infra langage. Certains, à juste titre, parlent d’anthropocène. L’homme devient capable de bouleverser toutes les forces, tous les équilibres de la planète et au-delà. Dans le même temps, il s’enfonce dans une espèce de mode d’expression situé au-dessous du niveau zéro de la langue. Il suffit pour s’en convaincre de regarder quelques minutes une émission de Cyril Hanouna. Bavardages, apostrophes, tu as dit / j’ai pas dit mais je vais dire. Les prises de bec chez Michel Polac concernaient le plus souvent des sujets de conversation importants. Sur le plateau d’Hanouna, on cause de la surface du monde, d’information transformée en événementiel.

Distension

Le discours actuel meuble, sans style particulier, bien que fleurissent les concours d’éloquence. Il faut tenir l’antenne pour les uns, tenir le crachoir en attendant de concrétiser les promesses électorales pour les autres. Alors, on distend, on étend, on étale, on tartine le propos. La distension remplace la distanciation brechtienne qui ne fait pas prendre des vessies pour des lanternes. Encore entendu une personnalité dire à la radio. «  En France, on adore les taxes. On ne se pose pas la question de savoir si… » Pourquoi ne pas déclarer « On se demande si… » ? Parce qu’il faut distendre le propos comme on détend une sauce. Qu’en reste-t-il à la fin (Au final ?). Peu de choses sinon du verbiage. Au commencement était le Verbe, puis vint la parlotte.

Plus bas que zéro, y’a infra

Dans L’invisible (chapitre Ce que parler veut dire) Clément Rosset avance qu’il existe un degré inférieur à la fameuse tautologie. Talpa se régale de celle-ci, qui est pour Barthes le socle de la bêtise. «  La vie c’est la vie », « Paris sera toujours Paris » sont des exemples de tautologies qui définissent une chose par elle-même. Talpa l’a déjà pointé, il existe les mots et expressions explétifs, dont le sens est inexistant mais qui maintiennent le contact. « Allo » en est un exemple. Nous y avons récemment ajouté «  Voilà, juste, être en capacité, en sorte que ou de … ».  Pour Rosset ces mots parasites relèvent de la désinformation. Pour reprendre une expression à la mode, j’ai envie de dire qu’il faut se méfier de l’infra langage autant que des lunettes à infrarouges en temps de guerre. Le résultat est dans les deux cas la destruction de la pensée ou de l’ennemi. Les deux se confondant parfois.

C’est quelque chose !

À la radio toujours  » C’est quelque chose à laquelle je réfléchis. » Prononcé par une personnalité. Quelque chose est indéfini, neutre. Il y a bien un neutre en français. Très peu représenté mais il existe. On a tendance a l’oublier à force d’être face à… Le face à face l’emporte dans tous les domaines, comme dans un affrontement féminin / masculin qui, lui aussi, aurait tendance à nous tirer vers l’infra.