J-Marie Gourio « Le contraire de d’habitude», c’est la poésie

Contraire et contre-sens font sens

« C’est l’histoire d’un mec » qui tourne à gauche au lieu de prendre à droite. Et tout tourne différemment. Tout s’enchaîne en échappant aux chaînes du quotidien. Librement. Poétiquement. En une ronde qui mêle un Jésus païen au monde d’Alice. Qui exalte jusqu’aux plus humbles plaisirs, comme celui de faire pipi. La veine poétique nous arrache à la routine bureautique. Elle nous entraîne dans un resto pour routiers naturistes où règnent amitié et bienveillance. Happée par l’écriture, la platitude du quotidien s’envole et le kitch fait poésie. La vie n’est pas ce qu’elle est mais ce qu’on croa, en langage crapaud que le héros pratique couramment. Tout est possible. On découvre la différence fondamentale entre le vide et le rien. On joue de l’orthographe et la cane/canne appelle la girafe de Prévert 

C’est ma faute

C’est ma faute

C’est ma très grande faute d’orthographe

Voilà comment j’écris

Giraffe

Le crottin d’éléphant devient matière à souvenir. Parfums, odeurs et fragrances mènent le monde par le bout du nez. La trame narrative sert de support à la poésie. Tati, Ionesco, un chouia de Kafka souriant, une pointe de Vian et de Queneau, sans doute quelques épices exotiques puisque migrants et clandestins sont de la fête, avec clowns, crapauds, cerfs et autres oiseaux. Valsent codes, professions et étiquettes. Place aux rencontres, à l’identité évolutive.

Les lunettes de l’écrivain

Que voit Jean-Marie Gourio quand il se lève de bon matin ? La baie de Talloires qui s’étale de tout son long jusqu’à la rive opposée du lac d’Annecy. Y trône le château de Duingt peint par Cézanne. D’où l’écriture bariolée, colorée, dynamique comme la bise de l’auberge voisine. Ce livre relève de la fraîcheur enfantine. Du jeu. « On dirait que ce serait le contraire de d’habitude. J’irais pas à l’école. Je ferais le bureau buissonnier… « 

La pensée hypothétique

… la pensée hypothétique ou conditionnelle: “SI…,alors..” C’est le “si” des enfants: si j’étais ceci…Qui interdit qu’il ne soit également celui des parents ? Il fonctionne comme une machine à tisser  des liens “en puissance”…

en puissance et pas virtuels. Dès que, par l’esprit, la liaison entre ceci et cela est établie, un choix se présente….    Seule une pensée (un peu) libérée de la dictature de “l’état des choses” peut s’opposer à la pensée-gestion. N’être plus plombé par le Réel, tout en ne le niant pas, permet de l’anticiper et procure quelques moyens de le faire être autrement qu’il s’apprête à être, et qu’il sera si je ne m’en mêle pas….

Denis Guedj La gratuité ne vaut plus rien

Alors, tout est possible

Policiers, CRS et gendarmes pratiquent la clé de sol pour accueillir sur le leur migrants et clandestins de tous pays. Ils sont attentifs à la moindre forme de vie, hérissons ou crapauds .C’est qu’il doit y avoir quelque prince de la poésie qui ne demande qu’à surgir sous cette apparence batracienne. Peut-être même un roi des grenouilles.

La vie est un conte et non un compte.

Un pas de côté

Les éditions du Cherche Midi présentent le livre de Jean-Marie Gourio comme « un vivifiant pas de côté. » Rappelons ce conseil de Groucho Marx « Le meilleur moyen d’éviter la chute des cheveux, c’est de faire un pas de côté. »