Jeu d’évasion //Escape Game

Jeu d’évasion //Escape Game

8 novembre 2021 Non Par Paul Rassat

L’évasion linguistique

S’évaderait-on mieux en anglais qu’en français ? Jeu d’évasion sonnerait moins bien qu’Escape Game ? Le succès de ce concept est tel que même des musées proposent des visites sur ce schéma stratégique. On retrouvera bientôt des squelettes de visiteurs qui n’auront pas su regagner la sortie.

[L’image est une capture d’écran sur TV5 Le Monde, extraite d’une video retraçant le mythe du Minotaure]

Escape généralisée

Le principe du jeu d’évasion ne serait-il pas, au fond, celui de la vie en général ? Chacun tente d’échapper le plus longtemps possible à la mort. Les pauvres tentent d’échapper à la misère. Les riches à l’ennui. Des uns aux autres, des cordes forment des cordées permettant de tirer chacun de son côté. En économie, le jeu consiste à sortir des crises récurrentes en faisant croire qu’elles sont ponctuelles et non consubstantielles au système. La religion nous promet l’évasion définitive au paradis. En politique, chaque nouveau quinquennat nous assure de nouvelles règles du jeu, l’assurance de faire de la politique autrement. La vie devient un immense trampoline qui permet de « rebondir » sur une question, une situation… Le rebondissement est une tentative d’évasion permanente.

Escape Game et leurre

Thomas Pesquet croyait s’évader dans l’espace. Son Escape Game a tourné court en tournant en rond autour de la Terre. Pas d’échappatoire, Thomas ! Squid Game prétend vous procurer de l’évasion en vous scotchant devant votre écran.

Et pendant ce temps, les rois de l’évasion

Et pendant ce temps, les rois des entreprises qui prospèrent grâce aux Data inscrivent leurs enfants dans des écoles traditionnelles, sans informatique. Chefs d’État, responsables politiques et autres optimisent leurs capitaux par l’évasion fiscale. Certains investissent dans l’immobilier là où ils échapperont le plus longtemps possible au réchauffement climatique. Google investit pour échapper au vieillissement. Bezos s’envoie en l’air. On pense à vivre sur Mars un de ces jours. Celles et ceux qui n’ont pas autant de moyens s’évadent le temps des vacances ou d’un weekend. Chacun à sa façon, nous sommes tous des rois de l’évasion.

Doit bien y avoir un truc

Oui, il doit bien y avoir une cause à tous ces besoins d’évasion dont l’Escape Game ne constitue qu’un ersatz propre à transférer de l’argent d’une poche à l’autre. Mais quoi ? Cette réticence inexplicable à résister à une modernisation censée assurer notre bonheur ? Le besoin de trouver une sortie, même factice ? La vie devient un jeu dont les règles consistent à nous éloigner de la vie.

Escape présidentielle

Pourquoi ne pas transformer la course à la présidence de la République en Escape Game ? On enfermerait les candidats  dans un milieu menacé par la crise économique, le réchauffement climatique, quelques pandémies et autres problèmes d’actualité ou à long terme. Le-a candidat-e surmontant touts ces épreuves et trouvant la sortie serait automatiquement élu-e Président-e. Pendant le jeu, chaque candidat agissant en contradiction avec ses déclarations antérieures serait pénalisé. On accepterait  une marge elle résultant d’une évolution logique de la pensée. La France renouerait ainsi avec quelques épisodes universels annonçant le jeu d’évasion. Noé en est vraisemblablement le précurseur. Icare se planta mais Thésée sortit victorieux du labyrinthe. Cette escapade redonnerait ses lettres de noblesse à la politique et à la langue française.