La colère de l’artiste
8 janvier 2024Il est ici encore question de colère et du livre de Sophie Galabru. Elle y traite de la colère de l’artiste. « On peut voir en l’artiste un corps dont les pulsions ne peuvent se contraindre au silence, mais cherchent au contraire leur expression, d’une manière détournée et publique. » Niki de Saint Phalle, Baudelaire, Flaubert, Genet, Michel Leiris et les surréalistes, Michaux illustrent le propos de Sophie Galabru.
« Colères par procuration ?
Que cette colère artiste soit authentique ou non, c’est finalement de peu d’importance pour les spectateurs que nous sommes, car le corps vivant de l’artiste en colère nous permet de nous y projeter et d’y vivre en toute liberté la vie d’une émotion dérangeante. Nous aimons l’art du spectacle parce qu’il nous permet d’éprouver des émotions fortes que nous n’arrivons pas à vivre, tout en les éprouvant en sécurité puisque nous sommes éloignés de nos enjeux personnels…Dans l’obscurité d’une salle, les tensions jouées sur scène, avec lesquelles je n’ai rien à voir, me procurent le plus vif des plaisirs. J’y vis et résous les miennes, virtuellement et pour moi seule… »
Oui et non
Est-ce que voir un spectacle en mangeant des pop corn permet à la catharsis de faire son œuvre ? Est-ce que ce travail de catharsis est véritablement souhaitable ? Bien mené, oui. Sinon il tient lieu de divertissement qui mène à une confusion entre la réalité et sa représentation. Les derniers mots de Néron auraient été « Quel grand artiste périt avec moi ! » Rabelais « Je n’ai rien, je dois beaucoup, je lègue le reste aux pauvres … La farce est finie : tirez le rideau. ». « Je m’en vais ou je m’en va… L’un et l’autre se dit ou se disent. » déclare le grammairien Vaugelas à l’article défini de la mort. Il n’est pas impossible que les dernières phrases ressemblent bientôt à ceci : « Les caméras sont là ? »
Être et faire
Sophie Galabru écrit « [ Il est] plus éprouvant d’être la révolution que de la faire. » C’est ici que l’authenticité importe. Suivant Paul Valéry, l’artiste véritable suinte son œuvre. Celle-ci est inséparable de sa vie, d’où son authenticité. Le reste n’est que recettes, modes d’emploi et tiroirs caisses. Vous aurez d’ailleurs remarqué que nos responsables politiques sont de plus en plus dans le faire, même si l’expression est déjà passée de mode. Le faire qui remplace l’être. Par un tour de passe passe et d’homophonie, il est amusant de relever que « Je suis » signifie aussi bien être que suivre. Et que si l’on veut véritablement être, il vaut mieux ne pas suivre.
Terminons par le grain de maïs qui explose de colère pour devenir pop corn.