La Ronde s’installe aux Forges de Cran

La Ronde s’installe aux Forges de Cran

22 mai 2022 Non Par Paul Rassat

Rencontre avec Armony pour évoquer l’installation de ce tiers-lieu, La Ronde, l’énergie collective que le projet fait émerger, sa genèse.

Cuisiner ensemble, au sens propre et au sens figuré

D’où vient l’idée de La Ronde ? J’étais au Haras le point d’entrée en matière de convivialité. Les gens venaient pour la restauration et disaient « Il faut créer ici un lieu pour l’artisanat, pour la production locale. Je pense que la cuisine de restaurant est un outil qui doit se mettre au service d’autre chose. Elle est un lieu de croisement. Mes lectures sur les tiers lieux ont enrichi ma réflexion et il fallait aussi que je continue à exercer mon métier de restauratrice. Idéalement, susciter des croisements à table, au sein de la cuisine où des chefs, des amateurs partagent des moments pour cuisiner ensemble.

La Ronde ? pour danser ?

Le moment se prête à cette innovation. Chef, de Gautier Battistella, est une réflexion sur la cuisine, comme un article d’Alain Ducasse dans Le Monde, ou Yannick Alléno. Guillaume Gomez sort un livre intitulé « Philosopher et cuisiner »…

La cuisine est un acte assez méditatif. Le rush, lui, est une forme de danse. Chacun a son geste pour participer à la composition d’une assiette. C’est un temps très fédérateur qui soude une équipe. Chacun est interdépendant et vit un effort physique, une tension morale. Des liens forts se nouent pendant ce temps.

La Ronde, pour lutter contre les barrages et les formatages. Photo © Christophe Rassat prise aux Forges de Cran en 2020.

Un imaginaire collectif

C’est donc un bon modèle de départ à développer avec d’autres activités professionnelles.

Oui. Et comme le Haras était un espace de l’imaginaire, j’y ai rencontré beaucoup de jeunes créateurs, d’artisans. L’idée a donc germé de construire quelque chose ensemble. Créer une société ? Un GIE ? Comme nous n’étions pas dans une approche de simple rentabilité et que nous voulions trouver un outil de gouvernance permettant de réfléchir et de créer ensemble, avec des temps communs, l’association s’est imposée comme la structure la plus appropriée.

Les cercles qui forment La Ronde      

Nous avons plusieurs cercles de fonctionnement. L’un d’installation du lieu. Un autre de programmation, de communication…Chaque métier vient participer à ces cercles, même s’il n’est pas directement concerné. Ceci permet à un charpentier de penser la communication, ou la signalétique.

C’est intelligent puisque c’est le contraire de ce que fait l’école !

En tout cas, ça fonctionne bien. Nous ne fonctionnons pas par domaines de compétences. Un fil  WhattsApp permet de diffuser ce qui se passe sur le site. Peu à peu, le propriétaire du lieu a pris conscience de l’intérêt de ce projet. Nous sommes d’ailleurs passés de dix à une trentaine d’entreprises associatives.

Les Forges en 2020. Photos © Christophe Rassat

Perspectives

Et à terme ?

L’association pourrait devenir une instance de gouvernance qui fédère des industriels, des artisans et d’autres métiers. Sur 40 000 mètres carrés de bâtiments auxquels d’autres pourraient s’ajouter. Adhérer à l’association n’est pas une obligation mais chacun peut décider des avantages à en retirer mutuellement. Les choses peuvent se faire progressivement pour forger un lieu ensemble. Liberté avant tout.

Pourquoi ce nom, La Ronde ?

Le cercle représente l’union. Et puis « faire la ronde » illustre le projet tel qu’on l’imagine. Le lieu s’y prête à merveille. Dans la partie que nous investissons actuellement, on sent ce côté plus artisanal qu’industriel, avec des volumes de bâtiments qui créent des surprises.

Petit aperçu des Forges en mutation et de La Ronde qui s’y installe.

Une organisation agile

Le budget ?

Puisqu’il est désormais convaincu par le projet, le propriétaire s’occupe des gros travaux. Chaque entité signe un bail individuel auprès du propriétaire, comme le fait aussi l’association pour les espaces communs. Ceci nous donne une agilité d’organisation appréciable.

On entend assez souvent, à propos d’Annecy et des environs « C’est un merveilleux terrain de jeu. » La Ronde crée un merveilleux terrain de création collective.

Chacun occupe un petit espace. Il faut y refaire le sol, les portes, l’isolation. L’entraide est indispensable. Ceux qui travaillent le bois ont des machines qui servent à tout le monde. On prend tous le navire au même moment [Remarque à mettre en regard de l’aventure vécue ici par Espérance III et prolongée sur le lac d’Annecy]

Activités

Les activités qui s’installent regroupent un pôle numérique. Le textile comprend beaucoup de créateurs. Artisans ferronniers, chaudronniers…beaucoup d’activités avec le métal. De l’artisanat et des indépendants qui ont une fibre artistique. L’enjeu serait de fédérer plus tard de grandes entreprises qui pourraient avoir ici des lignes de production industrielle en lien avec les artisans.

Bousculer les habitudes

Un tiers lieu sert à créer du lien et à bousculer les habitudes. En étant confronté à la diversité et à la différence on parvient à être créatif.

D’où te vient cette façon de voir les choses ?

De mes lectures, de mes expériences au Haras. Je suis convaincue que la diversité des acteurs permet une forme de mutualisation et d’entraide pour faire mieux. Mon master en expertise économique m’a permis de réfléchir au bien-être au travail. On est malheureux quand on est hyper compétent. J’ai progressé chaque fois que j’ai bousculé les habitudes pour me mettre dans un domaine d’incompétence. [Adaptation intelligente du principe de Peter]C C’est toujours quand on est dans un champ d’incompétence qu’on pense que c’est possible. C’est difficile mais ça crée une sorte d’énergie. Si, étant compétent, on avait su tout ce qui nous attendait, on ne l’aurait jamais entrepris !

Poly activités

Je pense aussi que les nouvelles générations comptent beaucoup de poly actifs. Il faut trouver un équilibre entre le travail manuel et le travail intellectuel. L’environnement doit nous éveiller. La Ronde doit provoquer l’éveil. Je ne sais pas exactement ce qui m’attend. L’erreur fait partie du jeu. Les autres contribuent à bousculer notre manière de penser. C’est fondamental !

À suivre…

Un deuxième article à venir prochainement. Et d’autres suivront sur La Ronde.