Laurent Gerra, pourquoi ?

Laurent Gerra, pourquoi ?

25 juillet 2022 Non Par Paul Rassat

Pourquoi Talpa s’intéresse-t-il à Laurent Gerra ? Parce qu’une salle de spectacle porte le nom de Laurent Gerra chez Georges Blanc. Un auditorium Laurent Gerra existait déjà à Val-Cenis. Se pose la question philosophique et existentielle. «  Quelle salle imite laquelle ?

Laurent Gerra BIO

Pour avoir quelques éclaircissements je suis allé voir le site de Laurent Gerra. En haut à gauche figure la mention BIO. J’ai cru à un imitateur bio, sans pesticides, sans saloperies qui empêchent les abeilles de butiner. Un imitateur est d’ailleurs, à sa façon, un butineur qui se pique parfois la ruche. Mais en place de cette biodiversité attendue, on découvre une diversité de souvenirs plus ou moins biaux. Avec Michel Drucker, l’élixir de longévité. Johnny (soit qui mal y pense), Sarkozy. On le voit aussi avec Antoine Duléry et François Berléand dans un moment de grande méditation poétique, vers / verre à la main. Et puis des chiffres. Plein de chiffres. 67, l’année de naissance, le nombre d’années de métier…

Le triste sort de l’imitateur

Pour en savoir toujours plus, Talpa a (presque) interviewé Laurent Gerra à sa manière. Voici le résultat.

_ Vous imitez beaucoup de voix. Comment y arrivez-vous ?

_ Il ne suffit pas de les entendre, il faut aussi les écouter.

_ Vous faites ce qu’elles vous disent ?

_ Non. Il faut savoir les écouter pour comprendre comment elles fonctionnent, les assimiler pour les restituer.

_ Comment vous êtes-vous rendu compte que vous aviez ce talent d’imitation ?

_ Je ne sais pas. Il me semble que je l’ai toujours eu.

_ Toutes ces voix en une seule personne, vous ne souffrez pas de schizophrénie ?

_ Oui et non.

_ Comment ça « oui «et non ? »

_ Je suis schizophrène, mais je n’en souffre pas. C’est plutôt une chance qui me permet de m’épanouir pleinement.

_ Quand vous vous parlez, quelle est la voix qui vous parle ?

_ Ça dépend des circonstances, si je m’engueule, me félicite, m’encourage.

_ Arrive-t-il que vous vous parliez avec votre propre voix ?

_ Bien sûr, mais elle fait simplement partie des autres, elle n’est pas prépondérante. Il arrive que plusieurs de mes voix se chamaillent en moi. Je laisse faire, pour le plaisir d’observer, avant de pousser une énorme gueulante.

_ Et pour rêver ?

_ Je ne rêve qu’en images. J’ai réussi à couper le son parce qu’il devenait envahissant. Je ne m’y retrouvais plus.

_ Comment décidez-vous d’imiter une nouvelle voix ?

_ En fonction de l’actualité, bien sûr. Mais il faut aussi que la nouvelle voix soit acceptée à l’unanimité par les autres. Ça donne parfois de sacrés débats. L’Europe, à côté, c’est du pipi de chat.

_ Chat auquel, j’imagine, vous ne donnez jamais votre langue, avec toutes les voix que vous possédez ?

_ Effectivement. Il m’est arrivé de donner ma langue au chat et de me retrouver à miauler pendant des heures. Sans doute l’expérience la plus traumatisante de ma vie.

_ Y a-t-il encore une voix qui vous résiste ?

_ La voix de Dieu.

_ Difficile à imaginer et à maîtriser ?

_ Pas du tout. Je la tiens parfaitement mais il y a toujours débat entre toutes les voix que je fais déjà, croyantes, laïques, chrétiennes, juives, musulmanes, athées.

_ Et vous, qu’en pensez-vous ?

_ Moi ? Je n’ai pas voix au chapitre.

_ Votre prochain spectacle ?

_ Un chœur. Il est techniquement au point. Il ne me reste que quelques problèmes d’ego à régler.

_ Et pour entretenir vos voix ?

_ Du repos, du repos et encore du repos. Je m’organise, je dors à tour de rôle. Je dois à tout prix éviter l’extinction de voix.

_ Il paraît que vous avez été marié à une imitatrice.

_ Ça n’a pas duré. Impossible. On ne s’y retrouvait pas. D’autant plus que vers la fin de notre mariage elle était devenue aussi simulatrice.

_ Quelle est l’imitation dont vous êtes le plus fier ?

_ J’arrive à m’imiter moi-même en train d’imiter. Le public ne s’en rend même pas compte !