Le monde en kit. Là-là-là land, tutos et démos

Le monde en kit. Là-là-là land, tutos et démos

29 août 2021 Non Par Paul Rassat

Photo : globe de Coronelli. BNF : le monde!

On est dans un monde où on doit nous expliquer comment fonctionne ce monde-là. Ce -là  qui donne désormais le la dans bien des phrases. Il s’agit de ce monde-là et pas d’un autre. Parce que si l’on était dans un autre monde, on aurait du mal à voir en face la réalité de ce monde-là. CQFD. « Si la France n’était pas ce qu’elle est, les Français seraient des étrangers. » écrivait Pierre Dac. Si la réalité n’était pas ce qu’elle est, nous serions différents. Et comme nous avons déjà bien du mal à mettre en pratique le fameux « Connais-toi toi-même », ce serait impossible dans un autre monde. D’où l’intérêt des tutos même dans ce monde-là.

 De démos en tutos

Un problème ? Une panne automobile ? Une panne de sexe ? Une question de maquillage ? Vite un tuto auprès de youtubeuses  ou youtubeurs. Vous avez remarqué le nombre de personnes qui vous parlent dans la rue, en tous lieux en vous regardant fixement, en suraticulant avec des pauses pour que vous compreniez bien et en soulignant de gestes des paroles pourtant archi simples à comprendre. Vous aurez remarqué aussi que les dix minutes d’explication pourraient tenir en trente secondes de temps de parole simple, directe.

Ne me kit pas !

Cette société-là, dans laquelle nous vivons et en face de laquelle nous sommes, est une société IKEA. Nous avons remplacé la joie de la découverte, EUREKA, par celle du montage en kit IKEA. Avec notice à chaque détour. Un bobo : tuto. Le petit ne dort pas : tuto. Comment faire des œufs durs ? Tuto.

Du concept au tuto

L’art contemporain n’y échappe pas. Essentiellement conceptuel, il s’accompagne d’explications, de médiation. Peut-être pour lutter contre l’industrialisation et la standardisation des produits au milieu desquels nous vivons. Nous y devenons nous-mêmes les produits de ce que nous produisons. L’explication artistique deviendrait l’anti-notice accompagnant les appareils technologiques.

Moins on sait lire, plus on s’informe

La maîtrise de la lecture allant à vau-l’eau, on ne cesse de se désinformer sur les canalisations des réseaux où voisinent le tout-à-l’égout et l’eau filtrée. L’information y devient informe. Le complot y dénonce la véritable information. Les lunettes branchées ne sont qu’une première étape. On verra bientôt des gens munis d’un prompteur dans la rue, dans les activités quotidiennes. Le mot « prompteur » vient de l’anglais « prompter » emprunté au français « prompt » qui vient du latin « promptus ». Tout ça pour celles et ceux qui manquent de promptitude à lire et à dire le monde. Ce monde-là, dans lequel nous sommes.