Le rôti ou le bouilli

Le rôti ou le bouilli

21 août 2023 Non Par Paul Rassat

Épisode cinq de l’Histoire brève mais véridique de la gastronomie

Il semble assez naturel que nos voisins britanniques dont le mode de vie s’accommode d’une situation insulaire aient adopté la cuisson bouillie alors que les continentaux penchent pour le rôti. Nous avons, bien sûr, le pot-au-feu qui dérive parfois vers d’autres traitements culinaires comme celui qu’évoque Jean Teulé dans « Je, François Villon ». Traitement punitif et définitif.

Bouillir de plaisir ?

« Passant près du chaudron, où le bourreau ôte avec sa fourche la chemise qui flotte en surface autour du cou du condamné, je m’adresse à celui-ci comme une bonne mère laisserait ses recommandations :

   —  As-tu pensé à te mouiller la nuque ?

Robin pouffe derrière moi : « François… » Nous entrons à La Mule en gueulant un mot d’ordre : « Hypocras ! »…Réconfortés et un peu étalés sur la table, je demande à Dogis :

   —  Est-ce que les bouillis bandent comme les pendus ? Pas dans l’eau glacée bien sûr mais après ?…

—  Ah, j’en sais rien, rote le frère du condamné. Faut qu’on aille lui demander !… Lorsque nous revenons…c’est trop tard. …la dépouille du charcutier refroidit dans l’eau du chaudron sous lequel le bourreau a éteint le feu…..La chair s’est retirée des os et surnage entre deux eaux….

Le rôti héroïque

Cette scène de cuisson bouillie typiquement française répond aux premières lignes du roman.

«  Le corps carbonisé fumait encore entre les chaînes du poteau fixé sur un haut socle de pierre. Sa jambe droite s’est écroulée, provoquant un curieux déhanchement. Le buste penchait en avant. Les volutes ondulantes, s’élevant du crâne, lui faisaient une drôle de chevelure verticale. Un souffle d’air, comme une gifle, lui emporta une joue de cendre…. »

Premières lignes qui décrivent la cuisson rôtie et totalement ratée de Jeanne d’Arc par les Anglais. Cuissons inversées : c’est à n’y rien comprendre ! Et tellement contraire aux prétentions de la cuisine en matière de santé depuis l’antiquité jusqu’aux alicaments.

Sommes-nous ce que nous mangeons ?

« Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es », tel est l’aphorisme IV du  «  Professeur pour servir de prolégomènes à son ouvrage et de base éternelle à la science » qui  ouvre la « Physiologie du goût «  de Brillat-Savarin, gastronome qui donna son nom à un fromage aussi bien qu’à une pâtisserie.

Bien avant lui Galien, fondateur grec de la médecine, déclarait « ceux qui mangent de cette viande finissent par ressembler aux ânes tant par le corps que par l’âme. »