Le temps suspendu

Le temps suspendu

22 décembre 2022 Non Par Paul Rassat

Exposition photographique, Le temps suspendu, au Musée-Château d’ Annecy jusqu’au 20 mars 2023. Commissaires d’exposition Sophie Marin et Lucie Cabanes.

Entretien avec Lucie Cabanes

Vous intitulez cette exposition « Le temps suspendu » alors que pour les physiciens le temps n’existe pas.

Est-ce que nous montrons le temps ? Je ne sais pas. Le bon ou le mauvais temps. Il était cependant important pour nous de montrer que la photo n’est pas un moment arrêté mais aussi un avant et un après. Pour beaucoup, une exposition photo peut être assez rébarbative. Plein de petits formats. Des choses un peu froides en comparaison de la peinture ou de la sculpture qui font sentir le geste, la main de l’artiste. Nous avions envie de raconter une histoire, d’où un parcours qui s’appuie sur des thématiques. Nous ne partons pas de la chronologie mais de regards croisés entre des œuvres anciennes et des œuvres contemporaines. Nous mettons cependant en parallèle les grands moments de la création de la photographie avec la création de notre musée et de toutes les institutions en France. Nous restons fidèles au temps et nous en détournons un peu.

Avec la photographie et ses développements techniques nous inventons des outils qui nous réinventent, changent notre regard.

Oui, et les artistes aiment utiliser les outils du passé. Jurgen avec la chambre photographique. Éric Poitevin avec sa caméra d’invention soviétique à quatre objectifs. Béatrix Von Conta fait du tirage à l’albumine comme au XIX°, avec de fausses couleurs. Artistes actuels ou du passé, l’intention est la même. La dernière salle d’exposition montre des tirages de Christian Poncet qui pourraient passer pour anciens mais qui reposent sur une radicalité dans les plans. En passant vite, on ne se rendrait pas compte de cette modernité associée à un tirage au sténopé.

La conception de cette exposition offre une sorte de feuilletage comparable à celui sur lequel repose notre construction personnelle de la réalité.

Nous sommes tous habités par nos propres histoires, par celles auxquelles nous sommes raccordés aussi.

C’est à chaque visiteur de pratiquer cet art de la conversation entre les œuvres et lui-même auquel invitent le travail des photographes et la conception de cette exposition.

Le temps, le temps, le temps n’est rien d’autre…

Nous ne mesurons pas le temps mais la durée. Nos montres ne sont que des chronomètres. Cette confusion entre le temps et la durée nous renvoie à ce que nous sommes : une durée. La photographie, elle, capte l’énergie transformée en lumière. Elle immobilise le mouvement qui, saisi par le regard, renvoie en retour au mouvement. L’intérêt de la photographie est multiple. Elle informe, rend compte, témoigne, orne, interprète, conserve. Elle fait aussi fonctionner notre cerveau.

Sensation et sentiment priment sur la technique

L’exposition affiche cette citation  » Ils n’ont pas la moindre idée que le paysage n’est que la sensation forte éprouvée par l’artiste, que le sujet n’est rien sans le sentiment personnel et individuel du peintre ou du poète qui fait l’œuvre. » Gabriel Loppé Correspondance 1868.