L’Éditaupe#12 : Garage et créativité
10 février 2021Dialogue de taupes
— On y descend pour se remonter. En 4 lettres.
— C’est facile : cave. À mon tour. Verres de contact. En 5 lettres.
— Apéro. Point de vue. En 6 lettres.
— Cécité. Fermé par nécessité, ouvert à la créativité. En 6 lettres.
— Garage.
Jobs, Page et Bezos dans un garage
Le garage est un lieu propice à l’expression du génie. Le premier ordinateur Apple aurait été fabriqué dans un garage par Steve Jobs et Steve Wozniak. Google aurait été créé par Sergueï Brin et Larry Page dans un autre garage, ainsi qu’Amazon par Jeff Bezos. L’alors Président des Françaises et des Français Nicolas Sarkozy reprochait aux chercheurs français de ne pas assez trouver. Que n’a-t-il pas trouvé lui-même l’idée d’installer nos chercheurs dans des garages !
Le fameux garage d’Archimède
On notera que l’action de garer a d’abord signifié « se défendre contre quelqu’un », puis amarrer un navire. Il a fallu attendre l’invention de l’automobile pour que le mot s’applique à l’automobile. Archimède aurait en réalité découvert son théorème dans son garage, par hasard, entre son bateau et les plans de ce qui deviendrait bien plus tard une automobile. On notera aussi que beaucoup de gens possèdent des garages dans lesquels ils n’inventent rien et que la notion de sérendipité est née elle aussi par hasard, en cherchant des certitudes.
Garage et bricolage font bon ménage
Le garage est devenu le symbole du bricolage de génie. Il s’oppose aux chemins tout tracés version autoroutes que prennent la politique, le commerce, les affaires ainsi que les solutions trouvées en général par les ingénieurs. L’ingéniosité de ceux-ci est soumise aux lois de la rentabilité davantage qu’à celles de l’efficacité et de la pertinence. Arrivé à ce point du texte, une envie irrépressible point, à laquelle je ne saurais résister. Laisser s’exprimer un élément de langage qui traduit une particule de pensée tellement partagée qu’elle s’est vidée de tout sens :
« Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. » Le tout étant de ne pas rester sur une voie de garage. C’est pourquoi « Je reviens vers vous. »
Science et mythologie
« Chacun sait que Newton aimait les pommes, qu’Einstein tirait la langue, qu’Archimède jaillissait de sa baignoire en hurlant, que Léonard de Vinci savait tout faire et que les chercheurs sont des apprentis sorciers en puissance, capables du fond de leur laboratoire de fabriquer des versions inédites de Frankenstein…tout événement scientifique…peut être ramené à l’une ou l’autre de ces images d’Épinal.
Sven Ortoli & Nicolas Witkowski La baignoire d’Archimède Petite mythologie de la science
Du garage au crâne et au cerveau
Ceci nous mène à une blague sous forme de petite annonce « Vends crâne de Mozart enfant ». Au livre de Jacques Chessex Le dernier crâne de M. de Sade. À Mythologies de Roland Barthes qui traite du cerveau d’Einstein et de la photo montrant la tête d’Albert
hérissée de fils électriques : on enregistre les ondes de son cerveau cependant qu’on lui demande de penser à la relativité…La pensée elle-même est ainsi représentée comme une matière énergétique…La mythologie d’Einstein en fait un génie si peu magique que l’on parle de sa pensée comme d’un travail fonctionnel analogue à la confection mécanique des saucisses, à la mouture du grain ou au bocardage du minerai : il produisait de la pensée, continûment, comme le moulin de la farine, et la mort a été pour lui, avant tout, l’arrêt d’une fonction localisée : « Le plus puissant cerveau s’est arrêté de penser. »
Pas de quoi crâner du fond de son garage ou bien à la tête d’une entreprise.
Alcool et calvitie
Mais si garer signifie mettre à l’écart, à l’abri de la circulation, la boîte crânienne est un garage qui permet au cerveau une meilleure circulation à l’intérieur de lui-même et avec les autres. Le mot « crâne » vient du latin cranium qui a pris le relais de « calva » et de la calvitie qui s’ensuivit. Quant au calva ou bien aux alcools du même genre, on comprend mieux pourquoi les Vikings le buvaient dans les crânes de leurs ennemis.
De la gare au musée
L’économie circulaire nous souffle une idée afin que nous cessions de tourner en rond. Pourquoi ne pas transformer toutes les anciennes gares en musées ? Comme la gare d’Orsay. Le premier musée crânien verrait exposés le crâne d’Einstein, l’ombre de l’homme invisible, un hologramme de Jean-Luc Mélenchon, la moustache de Staline, la carte d’identité du soldat inconnu, une ligne d’horizon…
Des bienfaits du vélo
L’écologie peut d’ailleurs nous aider à lutter contre les excès d’une économie mondiale dominée par les drôles de monstres que sont les licornes, GAFAM, BATX et autres NATU. Le développement des déplacements à vélo en place des automobiles devrait à terme libérer des surfaces constructibles. Les garages automobiles seront en effet remplacés par des garages à vélo. Première conséquence, les prix du terrain constructible et de l’immobilier devraient baisser. Deuxième conséquence, les inventions extraordinaires bricolées en douce dans un garage avant de gagner et de soumettre le monde entier auront davantage de difficultés à éclore dans un garage à vélo exigu et à ciel ouvert.
Évolution mythologique
L’Histoire est passée des cavernes préhistoriques dans lesquelles nos très lointains ancêtres exprimaient une vision artistique du monde aux grottes platoniciennes annonçant les écrans de toute sorte entre la réalité et nous. Notre époque y a ajouté la consommation de Coca Cola afin de garder du temps de cerveau libre façon Patrick Le Lay. Le garage constitue l’évolution normale de la caverne à la grotte et à cet espace qui permet de se garer du tohu bohu afin de créer. Ou bien d’y créer du bruit version Garage Rock. Sans oublier les Beatles.
Régression vers le garage
On notera que les plateaux TV, le pop-corn au ciné, que le grignotage devant un écran répondent à un besoin enfantin et primordial. Darian Leader explique dans Ce que l’art nous empêche de voir que tout part chez le nourrisson de l’association image et nourriture, visage ou sein maternel etlait. Nous buvons du petit lait en nous empiffrant d’images et de produits qui passent par des tubes, des tuyaux inventés dans des garages.
Recyclage à tous les étages
Après avoir permis la mondialisation, les containers qui ont traversé mers et océans se transforment désormais en maisons. Recyclés, parfois empilés, ils se transforment en garages à humains. Qu’en sortira-t-il ?
PS On chuchote, dans les milieux autorisés, que l’Élysée, Matignon, l’Assemblée et le Palais Bourbon songeraient à délocaliser dans des garages appropriés.