Top Chef, la cuisine humaine

Top Chef, la cuisine humaine

10 février 2021 Non Par Paul Rassat

L’élitisme à portée de tous, ou presque

C’est reparti pour le plus grand plaisir des téléspectateurs et tateuses. Quelques soirées agréables à mitonner autour des écrans. Comme pour les retransmissions de catch, Top Chef prévient désormais « N’essayez pas de refaire ce que vous voyez à l’écran. Cuisinez pépère ou mémère, sans prendre de risques inconsidérés. » On a recensé la saison dernière pas moins de 35 télescopages pour cause de déplacements dans le noir sous prétexte de décrypter une recette. 24 accidents graves se sont produits lorsque des couples désunis ont tenté de refaire équipe. 225 intoxications alimentaires ont été causées par des tentatives aventureuses. Un couple a créé on restaurant mais attend toujours l’approbation du jury de Top Chef pour l’ouvrir.

Plus vrai que vrai, le trompe-l’œil

Le plus chouette, c’est tout de même le trompe-l’œil ! De l’artificiel plus vrai que vrai ! Des raisins peints par Zeuxis que tentaient de picorer les oiseaux jusqu’aux boîtes de Chanel en forme de livres. Alors que revient en force la vérité du produit, le retour au produit, l’hommage à la vérité du produit, la production de Top Chef impose le trompe-l’œil dans une émission qui relève en partie de la téléréalité. Ainsi la réalité serait de la fiction et inversement ? À s’y perdre et à tourner en bourrique au point de se référer à  Pierre Dac  reprenant peut-être Alphonse Allais « À vendre casseroles carrées pour empêcher le lait de tourner. » Du trompe-l’œil dans une société en simili !

Une cuisine humaine

Mais peu importent les recettes, le montage artificiel, c’est l’aventure humaine qui l’emporte. La véritable recette repose sur l’alchimie humaine dont Objectif Top Chef n’est pas avare. On  est alors touché par les ratages de notre système scolaire, par les jugements sans appel qui condamnent jeunes filles et jeunes gens qui s’en relèvent plus ou moins bien et inventent leur route. Parfois avec l’aide de Top Chef. Avec Fifi, le rugbyman carré qu’il ne faut surtout pas décevoir. Avec Hélène, la mama. Michel le bon copain qui ajoute du liant à la sauce. Paul, l’analytique plutôt atypique sympathique.

La cuisine politique

Le succès de Top Chef est tel que le monde politique compte l’imiter. Il serait question de cinq équipes, déjà bien rôdées puisque la cuisine politique existe depuis très longtemps.

L’équipe numéro un (le hasard du tirage au sort) est spécialisée dans les marinades, essentiellement à base d’ingrédients hexagonaux.

La deux prône la cuisine en salle, itinérante, d’une certaine manière en marche : flambages, sauces et découpages réalisés devant le client qui n’y voit que du feu.

La trois revendique une cuisine égalitaire et roborative pour tous. L’accord avec les mets repose essentiellement sur le vin rouge.

La quatre utilise herbes et plantes non pas en accompagnement mais comme ingrédients principaux. La verdure y est particulièrement à l’honneur.

Reste l’équipe numéro cinq qui s’est spécialisée dans les chemins de table. Elle n’est pas indispensable mais occupe le centre stratégique.

La touche culturelle

La cuisine est un art transversal qui associe la terre, la technique, le cœur, les émotions et la transmission. La contribution de deux médias à l’aventure de Top Chef renforce désormais la touche culturelle : Les Caillés du Cinéma et Filo magazine.