« L’enfant roi » de Saint-Exaspéré face à la réalité

7 mai 2021 Non Par Paul Rassat

Le mâle dominant de moins de dix ans

Notre enfant roi se voyait mâle dominant de moins de dix ans en son royaume. Une petite, toute petite planète perso sur laquelle poussait essentiellement son ego. Amoureux fou cependant d’une jeune fille en fleur, en jeans et en basquettes, un peu baraque mais bien roulée, le petit roi un jour avait déchanté. C’est que la meuf avait eu dans l’idée de changer de sexe. D’humeur de plus en plus instable au fil des jours, elle s’écriait à tout propos « Je m’en bats les couilles ». Le roitelet ne s’était pas méfié, ce n’était pourtant pas une simple figure de style. Il y avait derrière cette proclamation urbi et zorbi un véritable désir de changer de corps, de changer de paradigme et de casser les codes ainsi que les couilles du petit roi.

Le Premier sans cordée

Leur univers devenu trop conflictuel, le roi laissa là sa couronne et décida de changer de décor.

Las ! Le suivant ne lui convint pas davantage. Il était occupé par un Premier qui avait perdu sa cordée à force de prendre de l’avance et qui considéra l’enfant roi comme un manant tout juste bon à tenir le bout de la corde afin que celle-ci ne se salît pas dans la fange d’où il tirait son argent. Adepte inconditionnel de la théorie du ruissellement, le Premier ne se rendait même pas compte qu’il n’avait plus de deuxième, pas plus que de suivants sur lesquels ruisseler. Pourtant muni encore d’un solide tout à l’ego, l’apprenti monarque ne supporta pas longtemps l’image de l’autiste économico politique qu’il aurait pu devenir lui aussi. Du coup, il décida de se délocaliser de nouveau et de rechanger de bulle.

Bonjour à tous, bonjour les zamis

C’est ainsi que, derrière le Premier, l’enfant roi atterrit sur un plateau Télé. Entouré de gens qui avaient l’apparence juste d’une bande de copains. Le présentateur, en fait, se présentait juste lui-même. Il se mettait tellement en avant qu’il en risquait de crever l’écran. Et toute la troupe de rigoler, de blaguer, de s’envoyer des vannes entrecoupées de pubs. Pourtant reçu comme un invité de marque, notre bonhomme ne put pas vraiment en placer une. Et puis on aborda un sujet clivant du style « Comment refaire peuple et faire société ». Un truc bien grave qui provoqua apostrophes, cris et confusion. On se coupait la parole et le public était ravi. Le présentateur se rengorgeait, croyant l’invité comblé.  » Faites du bruit ! Faites du bruit ! » lançait-il au public.

Aux terrasses, citoyens, prenez vos verres ballons, buvons, buvons…

N’y tenant plus, l’invité s’éclipsa  pour se retrouver à la terrasse d’un bar. S’y tenait un type seul. Assis à une table. Son verre était vide comme son regard qui ne captait pas les Brèves de Comptoir posées sur la table.

— Qu’est-ce que vous faites là, tout seul ? » lui demanda le roi en herbe.

— J’attends la réouverture des terrasses.

— Ça ne sert à rien d’attendre puisqu’elles sont fermées. Et vous ne lisez même pas votre livre.

— Le livre, je le connais par cœur. Je me le récite pour rester dans l’ambiance. Comme ça, je me sens moins seul. Et puis je viens chaque jour parce que j’ai peur d’oublier la date de réouverture. Elle change tous les jours. Mais ma plus grande crainte, c’est la demi-jauge. On ne pourra boire qu’un verre sur deux.

Le businessphile (« Ma petite entreprise ne connaît pas la crise… »)

Bien vite le garçon se carapata, lassé de discours désespérant de noircitude…C’est un businessman qui l’accueillit dans son écurie de stars. Il gérait la carrière des étoiles de toutes sortes. Politiques, sportifs, gens de spectacle et d’art. De sa braguette magique, il faisait ou défaisait des carrières. Il s’intéressa aussitôt de si près à l’enfant roi que celui-ci en fut saisi d’effroi et s’enfuit.

Question existentielle

Par quels mystérieux détours se retrouva-t-il chez Léa qui tout de go lui demanda « Être un enfant roi, c’est quoi ? »

Ne pas confondre cachet et con primé

 « Quoi, Quoi ? Quoi ? » résonnait encore en lui quand le bonhomme administration l’accueillit à bras ouverts ou presque puisque l’un d’eux, prolongé d’une main ferme apposait à cadence soutenue le cachet de l’administration faisant foi sur des documents aussitôt remplacés par les suivants.

— Vous devez être fatigué ! remarqua le roitelet.

— Non, pas vraiment. Je suis assis et c’est reposant. Je suis plutôt lassé psychologiquement.

— Comment ça ?

— Chaque document annule le précédent et propose une nouvelle loi. Une nouvelle loi toutes les trente secondes. Parfois moins. Et pas une qui soit applicable. Passez-moi l’encreur. Merci. Passez-moi l’encreur, merci. Passez-moi l’encreur. Merci. Pardonnez-moi, ma parole suit ma main, sinon c’est l’arythmie garantie. Je me déconnecte, je pense à ce que je fais, j’y cherche du sens et des valeurs et c’est le burn out garanti. Je ne peux pas me le permettre. Comme je suis seul, je n’ai pas droit à l’erreur. Je dois tout donner sans rien lâcher.

L’astronaute, le gigot et la beauté de la Terre

L’enfant roi évita le géographe. Il était impatient de gagner la Terre sur laquelle Thomas Pesquet devait lui dessiner un gigot d’agneau surgelé. Malheureusement Thomas venait de quitter la Terre pour un voyage de six mois. Peu sensible à la poésie des stations de métro, il avait opté pour la station de l’espace où celui-ci était pourtant compté. L’enfant roi découvrit seul le désert industriel aux reflets chatoyants, les champs sémantiques des éléments de langage s’étendant à l’infini, les champs de cannabis à effet thérapeutique pour contrebalancer les effets du progrès que rien n’arrête.

On ne voit bien qu’à travers un écran

Saisi par toute cette troublante beauté, le roi en herbe mit bien du temps à entendre le chicotement régulier qui finit par attirer son oreille et subséquemment son attention. Se tenait là une souris qui cliquetait de joie.

— Je suis une souris, répondit la chose.

— Que fais-tu là ?

— Je suis la souris à connecter. Si tu te sens trop seul, viens jouer avec moi.

— Comment fait-on ?

                                                                                                                                                     — Il faut m’apprivoiser. Tiens, apprends à placer tes doigts en fonction des mouvements que tu désires.

— Des mouvements ? Je n’en vois pas.

— Regarde l’écran. On ne voit bien qu’à travers un écran. Mais c’est assez pour aujourd’hui.

— Je commençais tout juste à m’amuser !

— Je te l’ai dit. Il faut m’apprivoiser. Quelques instant au début, parce que tu seras vite accro.

— Que deviendrai-je si tu tombes en panne ?

— Tu seras triste, frustré, tu auras envie de tout casser. Tu piqueras des crises que seul le cannabis thérapeutique pourra maîtriser.

Thomas ? Y’en a qui l’ont vu voler…

La souris, chassée par un virus disparut bien vite et le roi en herbe se demanda s’il n’avait pas rêvé. Il oublia le serpent monétaire européen qu’avait remplacé l’euro et repartit comme il était venu. Certains prétendent qu’ils l’ont vu voler avec Max, comme dans la chanson. D’autres pensent qu’il a rejoint Thomas Pesquet. Désorienté par la nouvelle orientation de son ancienne amoureuse, il chercherait sa voie lactée.