L’Homme, un drôle d’animal 

L’Homme, un drôle d’animal 

1 août 2022 Non Par Paul Rassat

La bête chevillée au corps

L’Homme semble lutter depuis si longtemps contre ses instincts animaux ! Souvent à juste titre. L’amour courtois est né de cette évolution qui n’a cependant pas été suffisante puisqu’il a fallu attendre le 21° siècle pour qu’on commence à envisager la sexualité autrement que comme l’enjeu d’un pouvoir. S’appuyant sur la raison depuis les Lumières, l’Homme s’est affirmé comme être pensant pour oublier qu’il appartient au règne animal.

Schizoophrénie !

Coupure entre le corps et l’esprit qui fait ressurgir les nécessités du premier avec une violence accrue quand elles échappent à l’exploitation commerciale, publicitaire et industrielle.

Le corps est principalement considéré comme un outil qu’il faut entretenir en faisant du sport, par exemple, ou en le soignant, davantage que comme une composante à part entière de l’individu ; d’où pathologies et déprimes.

Le corps qui travaille produit cependant que l’esprit manipulé pense combler la condition qu’on lui fait à coups de produits de beauté, de parfums, de déodorants, de sapes à la mode, de look adapté (à quoi ?) qui le coupent de sa condition animale.

Quand l’Homme fait la bête

L’Homme a tellement peur de faire la bête ! Sale cochon, grosse vache, espèce de dinde !

Au point que le chas de l’aiguille – cette ouverture étroite où passer le fil – est devenue le chat de la Mère Michel puis la chatte puisque la sexualité est animale.

La spatialisation de notre vocabulaire traduit l’utilisation de notre corps comme outil et la soumission de notre esprit à celui-ci : derrière (à connotation aussi bien temporelle que spatiale) , en amont, sur…Sur ! Sur l’ordinateur, sur Paris, sur un film, on est sur un vin de soif…Outils de l’informatique, évitons de nous transformer en pourriels destinés aux poubelles de la société de consommation.

Le corps et l’esprit

Rapportons-nous aux livres de Jean-François Billeter. Dans Leçons sur Tchouang-Tseu, il cite « C’est une des grandes originalités de Montaigne, écrit Clément Rosset, non point d’avoir signalé le dérèglement de l’esprit humain, que tous s’accordent à dénoncer, mais d’en avoir situé le principe là où personne ne l’attendait : dans le fonctionnement de l’esprit lui-même, dès lors que celui-ci prétend s’émanciper des conseils et des recommandations du corps. La plupart des philosophes, tels Descartes et Malebranche tiennent un discours opposé et ne cessent de nous adresser un avertissement inverse : pour garder l’esprit sain, point de plus sûre recette que de se désolidariser constamment de l’influence néfaste du corps….La thèse de Montaigne est exactement opposée : si l’esprit dérape, c’est à cause de l’esprit lui-même, dès lors qu’il cesse de se laisser guider par le corps. »

L’autre en nous

Quand le cerveau disjoncte, il distord le corps et les sensations qui le relient au monde. C’est ainsi que pour déshumaniser l’ennemi, le ravaler au rang d’animal, on va jusqu’à imaginer bien réellement qu’il pue. C’est ce qu’explique Juliette Courmont dans L’odeur de l’ennemi. L’imaginaire olfactif en 1914-1918. Allemands et Français pensaient que l’autre puait, enfermés dans ce biais dont s’amuse Pierre Desproges « L’ennemi est bête : il croit que c’est nous l’ennemi alors que c’est lui ! » Mode de pensée qui fait que le con est toujours l’autre.

De biais en biais, notre cerveau fonctionne pour la plus grande partie en pilotage automatique. Que lui reste-t-il de libre arbitre ?