« Molière », à la mesure de lui-même, a 400 ans en 2022

16 avril 2022 Non Par Paul Rassat

Voici les derniers paragraphes écrits par Jacques Audiberti pour son « Molière« . L’auteur y dénonce déjà, en 1973, l’univers de la machine et du monosyllabe !

Shakespeare

« Shakespeare, écrivain entre les écrivains, se situe, on l’a dit, au-delà de Shakespeare, au-delà de l’Angleterre…et, déjà, du coassement américain de James Cagney et de la sorcellerie optique de Walt Disney.

Quand nous sommes tentés de douter des titres anglo-saxons au gouvernement de la planète, et prêts à revendiquer une primauté spirituelle, dont nous serions les dépositaires et les usufruitiers, comparée avec honneur au monde machiniste où règne le monosyllabe télégraphique, Shakespeare se dresse avec son Hamlet et, plus redoutables encore, ses sonnets.

Molière

Nous, nous avons Molière, acteur de métier, directeur harcelé, qui se crève à faire des pièces pour compenser les bides qu’il prend avec Corneille et quand Racine lui claque dans la main.

Molière n’est au-delà de rien. Il a pour masque son visage.

Il fait rire sur le dos de l’humanité distinguée, instruite, sentimentale, sacrée.

Il est l’homme qui refuse l’humanité.

Grâce à lui notre nation, malgré les guerres et les diverses barbaries dont il fallut qu’elle portât le poids quelquefois responsable, fait entendre, sans système, sans dogmatisme, non pas même au nom du bon sens mais au nom d’un spectacle gai, la protestation contre tout au monde, qui nous absoudra.

Molière n’est au-delà de rien, mais rien n’est au-delà de lui. »

Molière à la bonne mesure

Souvenir de L’avare vu à Bonlieu // Annecy il y a bien longtemps. La mise en scène était de Jean-Luc Moreau. Jean-Paul Farré était l’Avare. J’enseignais le français et Molière m’avait toujours ennuyé. Jusqu’à cette soirée où je l’ai vraiment découvert. Une révélation! C’est ça, le théâtre? Sur scène, il ne faut pas jouer, il faut être et c’est en jouant que Molière nous dit qui nous sommes.