Molière, c’est quoi ?

Molière, c’est quoi ?

1 janvier 2023 Non Par Paul Rassat

« Molière, c’est quoi » pourrait demander Léa qui officie sur France Inter. Une radio publique mais bonne fille. Molière, c’est quoi ? » Puisqu’il n’y a pas d’explication officielle au choix de ce pseudonyme, Talpa  s’autorise à avancer la sienne. Jean-Baptiste Poquelin n’a pas toujours été un homme parfait. Molière, en revanche nous incite à devenir meilleurs. Melior en latin, meliore à l’ablatif, anagramme de Molière : à un état meilleur nous devons prétendre. (Photo : « Les femmes savantes », par la Cie du Détour).

Être soi pour être meilleur

Si Molière vise, par son théâtre, à nous améliorer, c’est en nous incitant d’abord à être pleinement nous-mêmes. Ses vieux barbons seraient les barbus d’aujourd’hui. Des personnes étriquées qui imposent aux autres ce qu’ils ont des difficultés à subir eux-mêmes.

Moliérer

Quels sujets notre Molière traiterait-il aujourd’hui ? Les autrement et en même temps d’un Président renaissant ? La raideur d’un Poutine muré dans un chemin asséché ? La gouaille d’un Donald déclarant qu’il faut prendre les femmes par la chatte ? Et portant ce toupet jusque sur le sommet de son crâne orange ? Les hologrammes égocentriques d’un Jean-Luc. La série familiale des Le Pen ? Dieu qu’il y aurait matière à moliérer !

Question d’équilibre

Tout se joue dans le maintien non pas d’un Bourgeois gentilhomme mais d’un équilibre. L’ Avare est excès. Le bourgeois gentilhomme et le malade imaginaire sont victimes des réseaux sociaux, des influenceurs, de la mode qui les décentre. Le bourgeois enfilerait aujourd’hui dans ses propos les «  derrière, juste, faire en sorte, du coup, regarder la réalité en face… » entrelardés d’anglicismes. Le malade imaginaire suivrait l’élan d’ Elon jusque sur Mars au lieu de vivre intelligemment ici. Le misanthrope aurait de plus en plus de raisons de l’être. Tartuffe ne cesserait de dénoncer l’industrie du porno après avoir transformé les plus jeunes en consommateurs pour leur fourguer toutes sortes de produits inutiles mais essentiels au besoin de paraître.  » Cacher sous la burqa ce joli minois. » Don Juan continuerait de provoquer la mort en clonant ses conquêtes avant de tenter l’opération sur lui-même.

L’érection de l’amour et la raideur de l’âge

Pendant que barbons, marâtres, épouses mènent la danse, les jeunes filles et les jeunes gens aspirent à l’amour. Les plus âgés sont figés dans des automatismes sociaux. Les plus jeunes changent d’identité, jouent, séduisent, trompent pour la bonne cause : l’amour. Comment deviennent-ils ces caricatures que les conventions, aussi bien que l’âge, sclérosent ? Entre jeunes et vieux les domestiques déploient tous les tours et détours de leur intelligence et de leur ingéniosité. Pourquoi  ne mènent-ils pas la société à la place de leurs maîtres tellement impotents  mais si puissants puisque premiers de cordées?

Un chouïa en avance

Jean-Baptiste Molière était en avance sur notre époque. Combien de porcs n’a-t-il pas balancés ? Il a devancé mi tout. Les femmes savantes ne doivent rien à Sandrine Rousseau. Le bourgeois, lui, apprend qu’il vaut mieux utiliser sa propre syntaxe que les tournures savantes vides de sens. On lui conseillerait aujourd’hui de s’exprimer en marquant un accent intellectuel, comme nos politiques. Il ferait des tutos à tour d’écran. Le malade imaginaire se fait médecin pour soigner les craintes que lui insuffle la société. Il serait accro à internouillette ! Agnès, éclairée par l’éducation à la sexualité, ne croirait plus que l’on fait les enfants par l’oreille. Elle suivrait cependant les conseils d’influenceuses.

Et pendant ce temps…

Et pendant ce temps on met en scène Molière n’importe comment. Comme cette compagnie qui a eu l’idée géniale d’utiliser un trempoline pour Le bourgeois gentilhomme. Mais de brûler toutes ses cartouches dès les premières scènes, accumulant les effets et laissant ensuite le spectateur sur sa faim. C’était pendant l’été, le Théâtre du Kronope à Lournand. Une sorte d’éjaculation théâtrale précoce. À l’opposé et à Carouge, Le malade imaginaire de Jean Liermier exprimait du texte de Molière jusqu’à la moindre nuance en un crescendo orgasmique. Puisque notre Président est passé des cours de théâtre de son adolescence à la scène internationale, que ne monte-t-il pas une troupe avec ses congénères ? Il y aurait là de quoi édifier le bon peuple.