Mouvements symphoniques
13 août 2025Mouvements symphoniques clôt le cadran des Grandes Heures de Cluny 2025. Fermer sur la notion de mouvements…enchaîne déjà sur l’édition à venir. La Chambre Symphonique, dirigée par Loïc Hammelin, est un orchestre qui se nomme chambre. De quoi réfléchir. Et se demander si un ensemble devient orchestre quand à sa tête officie un chef. Mais quand celui-ci quitte la scène quelques minutes avant la fin du concert, laissant libres les jeunes musiciens qui composent la formation, c’est une façon de leur dire : « Prenez votre envol. Je vous ai accompagnés ; continuez. »
Retarder la fin
Le programme conçu de Debussy à Prokofiev et Ravel illustre un paradoxe apparent. On sait qu’il y aura une fin. Le principe est de la retarder le plus possible. De la déjouer, de jouer avec. La caractéristique d’un orchestre symphonique est de suggérer sa puissance : volume sonore, résonnance commune, reprises, dérapages contrôlés, montée dans les tours. Passer de la route à la piste, prendre des routes de montagne. Passer de l’adret à l’ubac, des zones ensoleillées à l’obscurité. À travers les grincements d’orage, on aperçoit la mer au loin, par quelques coulées. L’espoir violoniste naît alors , stridule pour clore un tableau musical. Le public fait musique d’applaudissements pour partager le tableau symphonique.
L’ordre et le désordre
Il apparaît que l’ordre et l’harmonie ne sont pas donnés a priori. Il faut les construire, les gagner sur un chaos originel qui perce ici ou là. La musique naît de cette lutte permanente, s’élève, vibre, repousse le désordre, le contourne, l’enveloppe, se tisse sur lui, grâce à lui. Rien n’est donné. Nœuds papillon, vêtements noirs et chemises blanches ? Une sprezzatura qui habille le travail tant technique que d’accouchement. Un concert est un accouchement public, une naissance qui précède la fin, la repousse.
Umami musical
En l’espèce, le Boléro de Ravel est le chef d’œuvre qui flirte inlassablement avec l’échéance et l’apprivoise jusqu’à la chute. Ravel s’emploie à nous laver de l’inexorable en jouant de ce que l’on nomme orgasme tactile. Dans la quasi répétition se jouent le passé, le présent et le futur déjà compris dans l’enchaînement. De la rencontre des trois naît une mini crise d’épilepsie produisant une forme de jouissance. Quelque chose en plus, un peu comme l’umami en gastronomie. Un ravissement qui vous emporte dans l’instant et vous accompagne longuement. Jusqu’aux prochaines Grandes Heures ?