Palais de l’Isle Annecy. Installation de Julie Kieffer
7 juillet 2022Lucie Kieffer expose sa Maison sans murs 30-06-22 au Palais de l’Isle. À voir de 10h30 à 18 h jusqu’au 30 septembre, 10-12 et 14-17 heures ensuite. On connaissait déjà la fourmi de Robert Desnos
« Une fourmi parlant français
Parlant latin et javanais
Ça n’existe pas, ça n’existe pas
Et pourquoi… pourquoi pas »
Une maison sans murs ? Et avec poésie ? Et pourquoi pas?
Conversation entre Lucie Cabanes, du Musée Château d’Annecy, Julie Kieffer, avec quelques remarques de Talpa.
Lucie
Le Palais de l’Isle est le monument le plus photographié d’Annecy. En revanche on connaît mal son histoire et encore moins la présence de cette chapelle à la proue du bâtiment. D’où l’importance de la faire vivre.
Avec Julie nous avons eu l’idée de réactiver une pièce qui s’appelle La maison sans murs. Au contact de ce nouvel espace, cette re-création se charge à nouveau d’histoire, d’où son nom prolongé d’une date 30 06 22 qui est celle du jour de vernissage.
Julie
Chacune de mes pièces, effectivement, s’inscrit dans une architecture et y prend une forme différente chaque fois. La maison sans murs dialogue pour la première fois ici avec les poutres d’une charpente. On pense habituellement qu’une maison est hermétique, destinée à s’abriter. Mon travail est simplement une forme posée là. Elle fait d’abord penser à un tipi, peut-être à un vêtement, c’est-à-dire une peau protectrice. Notre imaginaire nous envoie aussitôt dans le monde de l’enfance, à la construction de cabanes. Il s’y ajoute l’imagerie qui figure sur la bâche. On a l’impression d’y reconnaître un habitat mais pas vraiment. Il y a une distanciation, d’autant plus que ce sont les images d’une autre installation qui ornent la bâche. Une couche de lecture, une autre temporalité s’ajoutent à ce que l’on perçoit immédiatement. Les cordages ajoutent un dessin (dessein ?) dans la vue générale de la pièce.
Lucie
Lors de nos échanges qui ont préparé l’installation, Lucie m’avait conseillé de lire Emanuele Coccia qui étudie la sociologie de l’habitat. Une structure est-elle un habitat par définition, par les usages qu’on en fait ? Quels lieux peut-on occuper comme habitat ? Pour un artiste, cela peut être l’atelier, l’espace d’exposition. La même œuvre d’art peut voyager d’un atelier à une galerie, habiter un lieu industriel… Julie évoque le vêtement. Pendant longtemps la sculpture a été assimilée au creusement ou au modelage d’une matière. Il y a eu ensuite les assemblages. Ici Julie utilise la tension de cordes d’alpinisme pour accrocher sa structure comme on modèle un vêtement. Elle crée un véritable rapport physique très personnel.
Talpa
C’est frustrant parce qu’on a envie de s’installer à l’intérieur. Cette relation crée une forme de curiosité.
Lucie
La forme entre en écho avec la forme extérieure de la chapelle. On rejoint l’idée d’emballage chère à Christo. [ Et celle de mise en abyme que Talpa adore !]. Julie crée une composition dans une économie de moyens et de gestes et nous mène à nous interroger. « Comment occuper un espace ? Comment le représenter ? » Une carte, par exemple, n’est pas une représentation objective du monde. Julie part d’une photo en deux dimensions et en fait sculpture en trois dimensions. En fin de compte, la maison on la projette dans notre tête, dans notre esprit.
Talpa
La maison, c’est nous.
Lucie et Julie
Oui, elle évolue tout le temps.
Talpa
Une maison sans murs installée dans des murs..J’y perçois quelque chose d’inachevé, un espoir. Un développement possible.
Lucie
La fragilité est évidente. La tension des cordes y ajoute et la pesanteur de l’ancrage au sol. Tout sculpteur travaille ces jeux de tension qui permettent plusieurs approches. Si je suis sculpteur, photographe, architecte…comment je vois cette œuvre ? Si je suis un enfant ?
Qu’est-ce qui se cache à l’intérieur de cette forme légère, en suspension ? Un mystère ? Celui de notre imaginaire intime ? Allez voir et expérimenter…