Pouvoir et puissance

Pouvoir et puissance

3 mars 2022 Non Par Paul Rassat

Miguel Benasayag et Diego Sztulwark reprennent dans Du contre-pouvoir les notions de puissance et de pouvoir selon Spinoza. « La puissance est le développement de potentialités, la réalisation de possibles. » « La puissance est le fondement de tout « pouvoir faire », tandis que…le pouvoir n’est autre qu’un des lieux de l’impuissance. » On pourrait donc comprendre que la puissance permet de se projeter. Le pouvoir n’en est que la gestion qui, forcément limite la puissance. Jusqu’à son élection, un futur président de la République est dans la puissance. «  Moi, président… » Et puis, une fois président, on gère.

Le pouvoir, entre puissance et jouissance

Pour Odon Vallet, dans Des mots en politique, pouvoir, puissant et possible partagent la même étymologie. « Dans sa variante latine, cette racine comporte aussi la notion de pouvoir (possum = être capable de), de possible (possibilis) et de puissance (potestas). Mais elle ne sert guère à désigner l’homme de pouvoir, celui-ci étant le dominus, ce maitre de maison (domus) qui exerce son autorité sur le domicile et les domestiques. Par contre, selon E. Benveniste ! on retrouve cette racine pot dans le pronom ipse ou ipsa (« lui-même » ou « elle-même ») qui, dans la langue des esclaves, désigne le maitre ou la maitresse de maison. Celui-ci ou celle-ci personnifie le pouvoir un peu comme Louis XIV disait : « L’Etat, c’est moi ». »

La jouissance du pouvoir

«Dans sa variante grecque, cette racine montre bien l’imbrication des liens sociaux et familiaux comme des pouvoirs érotiques et économiques. Le posis est époux, amant ou fiancé, disposant ainsi d’une puissance légitime ou d’un potentiel de séduction. Le despotes est maitre de maison et chef de famille avant d’être le dictateur du peuple. De son antériorité dans la généalogie il tire son « ascendant », comme la despoïna commande à la fois aux enfants et aux servantes. On est père et patron ou mère et « matrone ». »

La puissance et la gloire ?

« Chez les Russes, le gospodi est seigneur ou Dieu, oscillant entre le potentat local et le dieu omnipotent, associant ces deux données que Graham Greene pensait contradictoires : la puissance et la gloire. » Poutine est-il à la recherche de puissance alors que son pouvoir est démesuré ? Il est éligible jusqu’en 2036. Il aura alors 84 ans et aura exercé le pouvoir 36 ans. Faut-il avoir un ego surdimensionné pour devenir chef d’un État. ? Ou bien être inconscient ? Aveugle ? Il paraît que les troupes de jeunes Russes envoyées en Ukraine ne connaissent pas , au départ, leur véritable destination ( géographique et d’usage).

Réduire le « pouvoir faire » au « faire »

Que n’a-t-on entendu employer le verbe faire ces derniers temps. On l’a même substantivé et l’on parle « du faire ». La puissance se réduit alors au pouvoir, qui se réduit lui-même à l’exécution. Ce processus manque d’oxygène, de perspective. Et l’on voit qu’avec certains l’horizon se réduit à croiser le faire. Ce rétrécissement de la pensée conduit à proclamer « On est chez nous ! On est chez nous ! » La puissance se résume alors au pouvoir d’emmerder les autres.