Ridicule

Ridicule

28 juin 2023 Non Par Paul Rassat

Ridicule signifie «  qui n’est pas raisonnable, contraire au bon sens ». On pense d’abord au ridicule qui fait rire, justement parce qu’il choque le bon sens. Il y constitue un accroc qui surprend, décontenance et provoque le rire. Le ridicule n’a pas de sens alors que nous cherchons tous le sens de la vie. Souvenez-vous du film Ridicule. Il s’agit d’y briller en société au point de jongler avec des mots pour prendre le dessus sur les autres. Les traits d’esprit fusent comme des flèches. Le religieux interprété par Bernard Giraudeau y brille jusqu’au moment où il joue avec l’image de Dieu (sacrilège !) et croit se racheter en arguant qu’il pourrait dire le contraire de ce qu’il vient d’affirmer ! Sens et contre sens dans la même absence de signification : le ridicule absolu !

Qu’attendons-nous ?

L’existence des Vladimir et Estragon de Beckett semble ne tenir qu’à l’attente. Ils attendent Godot de qui on ne sait rien. Leur vie vide est d’attente. Tout y est dissous dans une absence de sens. Ils meublent. On peut avoir la même impression en suivant le parcours d’une Marlène Schiappa. Ses écarts entre la politique et les médias semblent faire non  sens. De Touche pas à mon Poste à Play Boy. Comment s’y retrouver dans le parcours de cette personne ? Comme dans celui de Rachida Dati qui aurait tenté d’être élue sur une liste socialiste en tout début de carrière, avant de trouver comment faire carrière ? Qu’attendent ces personnes sinon une reconnaissance qui fasse sens pour elles ?

La vérité ?

Y a-il chez ces personnes (on pourrait en citer bien d’autres) une once de ce bon sens que tue le ridicule ? Un ridicule tellement affirmé et assumé qu’il finit par faire sens. Ce bon Edgard Faure qui avait changé tant de fois de vestes politiques répondait à ses accusateurs «  Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent. » La notion de vérité évolue, c’est normal. Et puis les dilemmes à la Corneille entre l’amour et l’honneur semblent si loin ! La notion même de vérité risque de disparaître avec l’intelligence artificielle qui se contente de brasser toutes les informations disponibles sans connotation morale. Les fake news avaient ouvert le chemin. Tout vaut tout et inversement. L’avis d’une influenceuse vaut plus que celui d’un prix Nobel.

Conscience

Question de conscience pour tenter maladroitement d’établir une distinction entre l’homme et ce qu’il crée : l’IA aura-t-elle un jour la tentation de se suicider ? Ceci lui donnerait une conscience, et nous renvoie à Beckett. Le ridicule, l’absurde, l’humour, mais aussi la poésie sont ces manières d’appréhender le monde qui relèvent -encore- exclusivement de l’humain.

Le ridicule suprême

Dessin © Franz Schimpl

Il m’est arrivé de dire que la mort de mon père avait été « ridicule », au grand étonnement de mon interlocuteur. Alors, j’ai précisé : ridicule en ce sens qu’elle ne faisait pas sens dans le continuum de la vie. Elle a tout bouleversé, échappant au domaine du raisonnable et du bon sens. Et puis, plus tard, les fils déchirés, cassés, se sont retissés différemment, intégrant la disparition sans laisser de vide. La mort niée pourrait être le ridicule suprême auquel chacun cherche inconsciemment à échapper par le biais d’une suractivité qui emporte tout. Même toute tentative de sens. Quant au sens de la vie, on pourrait le définir à la Pierre Dac «  Monsieur a son avenir devant lui, et il l’aura dans le dos chaque fois qu’il se retournera. »