Sans Sempé

Sans Sempé

15 août 2022 Non Par Paul Rassat

Sempé était un bouclier contre la bêtise. Un bouclier souple, tissé de tendresse et de poésie. Avec une pointe de crayon et d’humour pour relever le quotidien. (Légende du dessin ci-dessus : Sans Sempé).

Dégonfler la pompe

Ce dessin merveilleux de simplicité ! Une dame accueille une classe à l’entrée d’un musée. Les enfants déposent leurs affaires. Elle — Je vais vous montrer ce que vous allez voir. Neuf mots et tout est dit. La bêtise du truisme, de la redondance et de la tautologie. Au début était le Verbe. Lui succéda le verbe qui ne dit rien. La pompe même pas shadokienne. Le savoir devient discours sur le savoir destiné à occuper le vide.

La pompe et l’enflure

Même approche en politique et dans la gestion que dans l’art. Le mot tourne sur lui-même. Voir par soi-même devient un exploit. On nous guide, commente, explique, renseigne, développe, tutorise. Nous devenons de jeunes pousses fragiles qui avons besoin de tuteurs. Un tien vaut moins que deux tutorats. Épargnons-nous ici un passage sur les porte-parole gouvernementaux. « Paroles et paroles et paroles et paroles et paroles » chantait Dalida reprise par Sibeth Ndiaye et d’autres. « Tu cause, tu causes, c’est tout ce que tu sais faire » lui répond la Zazie de Queneau épaulée par Princesse Érika «  Trop de blabla »

Voir par soi-même

Revenons au dessin de Sempé. Il nous invite, par l’humour, à regarder et à voir par nous-mêmes. À nous faire confiance sans passer par une armada de médiateurs, de porte-parole, d’experts, de sachants ensachés version Arroseur arrosé. C’est que pour voir par soi-même il faut être unique et multiple. Dépasser les cloisonnements que nous impose la société. Être à la fois adulte et enfant, par exemple. Sempé ne dessinait pas Le Petit Nicolas, il était Le Petit Nicolas. La poésie de Sempé est une Résistance à l’envahissement de la bêtise et de la parole vaine.