Selfies
28 août 2022Les selfies valent la peine d’un arrêt sur image. On y voit habituellement un instantané superficiel. Une tentative de fixer le temps et l’attention sur soi. Or le selfie participe à la fabrication de soi. Pendant longtemps on a vu dans le mythe de Narcisse la naissance de la complaisance envers soi-même, d’un auto-centrage exacerbant l’ego. Le bon sens permet d’interpréter autrement l’histoire de Narcisse. Elle serait la naissance de la conscience, ce reflet de soi qui réfléchit notre image et notre pensée. Et la fait réfléchir. [ La photographie est une archive : première tentative maladroite de selfie]
De quelques selfies célèbres
Le tableau de La Joconde serait le résultat d’un selfie, d’où l’air auto-satisfait du modèle. Léonard se serait contenter le reproduire la capture d’écran. Le selfie de la Venus de Milo est encore à l’étude. On soupçonne un truquage. Le selfie de Jésus sur la croix relève bien, lui, du miracle. Le modèle avait en effet les deux mains occupées à tenir les clous qui le fixaient sur la nef et le transept en bois. Ce selfie est sans doute le dernier miracle de Jésus. Le cas de Louis XVI est très particulier. Une image prise juste avant la décollation. Un geste réflexe au moment où opère la lame et un deuxième selfie totalement involontaire mais si parlant. Le selfie de Dieu pose problème. Les chrétiens hésitent à le diffuser afin de ne pas choquer les musulmans.
Serions-nous des bêtes comme les autres?
La conscience de soi viendrait avec la reconnaissance de son image. C’est ce que montre le test du miroir avec les jeunes enfants et avec certains animaux. Le selfie aurait donc pour but de nous rassurer. Nous détruisons la planète. Nous nous entretuons, mais nous faisons partie des animaux intelligents! Amen.
De quelques autres selfies
Les timides ont tendance à ne photographier que le haut de leur crâne. Les selfies de schizophrènes sont difficiles à déchiffrer. On y dénombre jusqu’à plus de dix visages qui cohabitent maladroitement dans un espace très restreint. Il arrive que les dyslexiques captent plutôt l’arrière de leur tête, ce qui les rend difficilement reconnaissables.
Du selfie au mythe et inversement
Œdipe aurait bien tenté un selfie. Il a renoncé au dernier moment, préférant se crever les yeux. Prométhée a été privé de selfie et condamné pour l’éternité à se faire grignoter le foie. Il avait tenté de ravir le feu à Jupiter pour créer EDF. C’est pourquoi Jupiter a décidé d’occuper aussi le ministère d’Héphaïstos. Des foudres à l’enclume, il occupe toute la chaîne du feu, du moulin au four. Tantale a vu sa tentative de selfie détournée. Il souhaitait se photographier devant le premier fast food qu’il voulait ouvrir. Il crève de faim pour l’éternité et son selfie est devenu photos de menus Besteof ou de Hambourgeois. À l’image de ce que dit Gad el Maleh dans son sketch « Tu vois qu’est-ce que tu vas manger. » Et si le selfie était le développement ultime de l’auto-consommation ?