Sortir du problème
10 mars 2025On apprend dans Changements, Paradoxes et psychothérapie de Waltzlawick, Weakland et Fish, qu’il faut sortir du problème pour lui trouver une solution. Le livre cite Heinz Eulau : « …une explication simple et immédiatement compréhensible des problèmes est en fait très compliquée. Le plus souvent, cette explication ne fait appel qu’à un seul facteur ; les problèmes d’environnement viennent de la soif de profit ; les problèmes des prisons sont le fait de la brutalité des gardiens ; la guerre est causée par l’impérialisme économique, etc. Comme ces problèmes sont urgents, il leur faut des solutions immédiates ; les solutions immédiates n’admettent pas d’analyse compliquée ; une analyse compliquée n’est qu’une façade pour ne rien faire du tout. » D’où la fâcheuse impression qu’en politique et en économie on joue toujours sur le même clavier. Plus aigu, plus grave, plus ou moins vite… mais la partition reste la même.
Exercice : reliez les 9 points de la photo par 4 lignes droites qui peuvent se croiser mais sans se chevaucher, et sans lever votre crayon.
Les raccourcis dangereux
Pourquoi chercher ses clés perdues en pleine nuit sous un réverbère plutôt que là où on pense les avoir perdues ?
« De fait, un grand nombre d’attitudes dites névrotiques ou infantiles peuvent être représentées comme résultant de l’application répétée d’une seule et même solution, alors que les circonstances ont subi un profond bouleversement » lit-on dans Paradoxes. Si nous avons besoin de raccourcis afin de ne pas repenser le monde en permanence, il ne faut pas que ces biais cognitifs figent notre réflexion et notre comportement dans une sécurité apparente.
Entre les deux, mon cœur balance
Nous naviguons entre la fausse sécurité de la répétition et l’utopie. Poincaré écrivait : « Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes qui, l’une comme l’autre, nous dispensent de réfléchir. » Paradoxes reprend Robert Ardrey : « En nous efforçant d’atteindre l’inaccessible, nous rendons impossible ce qui serait réalisable. » et aussi George Bernard Shaw : « Dans la vie, il y a deux tragédies. L’une est de ne pas réaliser ses désirs. L’autre est de les réaliser. »
Quand les solutions engendrent des problèmes
Nous naviguons le plus souvent entre la sécurité et l’utopie. Ces demi-mesures proviennent d’une même perception de la réalité vue de deux points de vue opposés. C’est pourquoi les solutions mises en place dans nos sociétés pour régler des problèmes engendrent de nouveaux problèmes :le mille feuille administratif, les aides sociales plutôt qu’une véritable offre de travail correctement rémunéré. Du « Make America Great Again » qui remouline du neuf en du vieux et du vieux en du neuf pour retrouver un paradis perdu utopique. Du travailler plus pour gagner plus. Faire toujours plus de la même chose apparaît souvent à nos dirigeants et à nous-mêmes comme la solutions idéale. Elle est pratique parce que, faire la même chose, nous savons faire. Et si nous finissons par nous y ennuyer, c’est forcément la faute de l’autre. Et si ça ne marche pas, c’est forcément la faute de l’autre.
Respect(er)
Trump reproche à Zelensky son manque de respect(Cette phrase est volontairement ambiguë). Le respect, c’est de la considération accordée à quelqu’un. Étymologiquement, c’est le fait de regarder en arrière. Donc de prendre en compte toute les données, l’histoire, et non de réduire la situation à un accord commercial (imposé, de surcroît) au nom du America Great Again avec Adam prenant Eve par la chatte pendant que le serpent Poutine se pourlèche les babines.
Paradoxes poursuit. En démocratie, il faut observer les règles, « les dictatures prétendent modifier les pensées du peuple, ses valeurs, ses façons de voir…la simple obéissance ou la reconnaissance purement formelle ne suffisent pas…Ce n’est pas assez de tolérer la contrainte, il faut la vouloir. » Cf la Révolution hongroise de 1956 et les procès avec de faux aveux.
Le réel ?
Ceci nous ramène à une question. Qu’est-ce que le réel ? Une convention, un accord temporaire, une façon de voir partagée par le plus grand nombre avant qu’un autre équilibre soit trouvé. Mais cette convention du réel est si confortable, rassurante qu’il est difficile de la faire évoluer. Le réel devient une chose, une momie. Beaucoup se battent pour des cadavres d’idées, de pensée en de combats « binaires ». Je t’ai dit, alors tu m’as répondu, alors je te redis… » L’échange tourne au pugilat qu’on aime bien parce que l’on connaît son adversaire. C’est encore mieux quand, comme Poutine ou Trump, on le choisit à sa mesure.
Le réel comme pingpong
Refaire du même, toujours plus, jouer au pingpong ( cf la symbolique de la rencontre entre la Chine et les USA dans les années 70) et de la stichomythie ! « L’autre résiste, c’est que je n’ai pas tapé assez fort ! » Se lever plus tôt, travailler plus, donner plus de temps de cerveau libre à Coca Cola…
Ultrasolution
Inspiré du livre de Paul Watzlawick Comment réussir à échouer.
L’ultrasolution est le plus souvent la pire des solutions possibles, celle dont l’évidence s’impose pourtant, empêchant ainsi toute vraie réflexion.
La solution adoptée ne s’est pas montrée efficace ? C’est qu’elle n’était pas suffisamment dosée. Il faut donc aller plus loin dans la direction qui, à l’évidence, s’impose.
- C’est la crise; pour en sortir, il faut travailler plus, économiser plus, dépenser plus.
- Le malade n’est pas encore guéri ? C’est qu’on ne l’a pas assez saigné. Il est mort ? C’est qu’on n’a pas eu le temps de le saigner suffisamment.
- Le coût du travail est élevé ? Proposons des heures supplémentaires, défiscalisons-les.
- Cet élève a des difficultés ? Faisons-le redoubler. Avec un peu de chance, il aura les mêmes professeurs, bénéficiera des mêmes méthodes, ne comprendra pas mieux mais apprendra comme un perroquet à force de répétitions et d’exercices d’application. Il finira par devenir un bon exécutant ou sera éjecté d’un système qui aura pourtant tout « mis en œuvre » pour l’aider. Il aura au moins appris à travailler !
- Le Président n’a pas réussi, en cinq ans, à sortir le pays de la crise. C’est qu’on ne lui a pas laissé le temps d’agir efficacement. Un deuxième quinquennat était indispensable.
- Mettre en question le libéralisme ? Vous ne souhaiteriez quand même pas le retour au communisme ? Le libéralisme a fait ses preuves ; il y a moins de pauvres, le niveau de vie moyen augmente (Non, ce n’est pas l’explosion des revenus des riches qui fausse la moyenne non ; une moyenne, c’est une moyenne ; c’est mathématique, donc indiscutable). Il faudrait davantage de libéralisme.
- Plus de gauche, plus de droite ! C’est nous ou le chaos !…
Faire différemment ?
Pourquoi ne pas faire moins mais différent ? Sortir du problème pour le voir différemment. S’aérer les neurones, la comprenette et la machine à émotions ? Pourquoi ne pas sortir de notre petit aquarium personnel pour profiter des embruns ? Au lieu de vouloir changer le monde ou les autres, pourquoi ne pas tenter de changer notre relation au monde, aux autres et donc à nous-mêmes ?