Une cordée  Histoires de soldats de montagne

Une cordée  Histoires de soldats de montagne

8 juillet 2023 Non Par Paul Rassat

Rencontre à Cluny avec Hervé Loiselet, scénariste de Une cordée, Histoires de soldats de montagne.

Tu introduis trois personnages dans des lieux, des situations, des faits qui sont vrais.

On a construit une fiction sur des faits réels récents. Les derniers conflits en date où l’armée française est intervenue.

Malgré l’évolution des armes, de la technologie, la dimension humaine est toujours essentielle.

Ce n’est pas ma première histoire d’armée. C’est pour ça qu’on me demande d’y réfléchir et d’en faire d’autres. Ce n’est pas de la tuerie mais une aventure humaine. Je ne suis pas très pointu en armes mais je connais bien le milieu et la vie militaires. Pour ce livre, un consultant a fait très attention aux armes, au type de chargeur utilisé. Chaque détail a été vérifié. Moi, je voulais surtout montrer l’humanité qui vit chez ces femmes et ces hommes. Ils ne sont pas des robots. Même au cœur d’une bataille, il faut ramasser les blessés et les morts. Il y faut du courage et beaucoup d’humanité parce que c’est rajouter du risque au risque. Il y a des gens qui le font !

L’histoire suit trois héros. Une femme, un soldat qui, par filiation vient d’Afrique du nord, de Kabylie. Le livre témoigne d’une forme de diversité.

Il n’y a pas un tiers de femmes dans l’armée, ni un tiers de soldats d’origine étrangère. C’est plutôt symbolique. Ça montre que c’est possible. Les troupes de montagne et la Légion comportent peu de femmes. On pense qu’il y a peu de candidatures féminines car les femmes doivent redouter l’aspect sportif. Or les méthodes pédagogiques de l’armée dans ce domaine sont très progressives. On ne demande pas aux gens d’être des champions. Il faut d’abord être efficace.

L’esprit de corps doit y aider.

Bien sûr. Notre héroïne démarre d’un haut niveau sportif qui lui permet de ne pas redouter l’aspect physique mais ce n’est pas ce qui prime.

On part, évidemment, d’un environnement de montagnes. Et au fil de la lecture le paysage est toujours là. Quel que soit le pays.

Les combats que l’on raconte, en Afghanistan, en Afrique se déroulent dans des sites naturels, c’est vrai. L’entraînement aussi. Je le découvre, je n’y avais pas pensé. Ça s’est imposé naturellement.

La narration est émaillée de va-et-vient entre l’actualité et l’Histoire, de mises en perspective.

Nous ne sommes pas exhaustifs mais nous essayons d’ouvrir le maximum de portes. J’ai construit une histoire avec mes trois personnages -qui en réalité sont quatre, comme les Mousquetaires – pour montrer une forme de transmission. Le monsieur âgé assure cette dimension jusqu’à ce que les trois autres, à leur tour soient en position de transmettre aux plus jeunes ce qu’ils ont appris au bout d’une douzaine d’années de vie militaire.

Je vais risquer une appréciation à propos de ce livre, en disant qu’il n’est pas tarte.

C’est magnifique ! (La prononciation de l’adjectif révèle une quantité de possibilités d’interprétations qui vont de la surprise à l’apitoiement et la réaction d’Hervé ouvre sur des confidences). On a essuyé une telle somme de galères sur cet album ! Une catastrophe en chaîne liée au Covid. Les disponibilités des uns et des autres se trouvaient décalées. Si bien qu’à un moment j’ai dit «  Ce n’est pas une cordée, mais une corvée ! » Ce qui a fait se marrer les militaires.

Eux doivent trouver leur compte en lisant ce livre. Ils y retrouvent l’exactitude, leur vérité. Les autres sont embarqués par l’histoire. Le dessin est incisif, on est au cœur de l’histoire en permanence.

Un ami qui a été procureur et est passionné de BD m’a fait une remarque. «  Il y a beaucoup d’anglais dans cette BD. » C’est vrai, le contexte a évolué, tout le monde est bilingue parce que beaucoup d’ordres sont donnés en anglais qui est devenu la langue du combat.

Ce qui nous amène aux Blue Devils et à une filiation très intéressante.

Que l’on découvre dans le livre. Le lien mémoriel a été ténu au vingtième siècle mais il se renforce aujourd’hui parce que c’est le centenaire de l’équipe de basket de Duke University créée en 1923 en lien avec les Chasseurs Alpins.  L’événement a été célébré à l’ambassade des USA il y a un mois.

On constate que même avec une menace nucléaire, comme en Ukraine, la guerre  est encore assez conventionnelle et comporte cette dimension humaine, négative ou positive.

J’ai entendu récemment les récits d’instructeurs qui quittent les Ukrainiens qu’ils viennent de former. On leur demande de ne pas s’attacher, de nouer des liens d’amitié avec les Ukrainiens. En réalité ces mastards fondent en larmes quand ils voient repartir les Ukrainiens ! C’est ce qu’ils appellent la fraternité d’armes qui crée des liens extrêmement forts.