Le sens de la vie
11 juin 2023— Le sens de la vie, s’il vous plaît ?
— C’est tout droit, vous ne pouvez pas vous tromper. Oui, tout droit. À partir de votre naissance. Ah non, ne vous retournez pas pour vous rappeler le passé, vous compliqueriez les choses. Ce ne serait plus tout droit, ou alors à reculons…
Il saute aux yeux du premier venu qui s’attarde un peu avant de repartir on se sait où en ligne droite que cette vision du sens de la vie est à la fois linéaire, donc simpliste, et fasciste dans la mesure où elle n’autorise aucune souplesse de manœuvre.
Si l’on considère que la vie a un sens, ceci constitue un handicap insurmontable dans une course qui ne se dispute qu’une seule fois par vie et par individu. Oui, si la vie a un sens, on peut craindre de ne pas la saisir du bon côté alors que, n’est-ce pas, il est toujours plus agréable de voir le bon côté des choses. Si la vie a un sens, et un seul, on peut commettre un contre sens dès le départ, dès la naissance, voire en naissant. Contre sens irrémédiable, irrattrapable pour un spermatozoïde qui a déjà offert le meilleur de lui-même afin de donner la vie. Vision des choses qui laisse bien peu de place à l’espoir, à la fantaisie, au slalom buissonnier et aux siestes existentielles.
C’est pourquoi il vaut mieux considérer que la vie n’a pas de sens. Il est alors possible de la prendre par n’importe quel bout sans en arriver aussitôt à des extrémités fâcheuses. Il est même possible de considérer qu’elle n’a pas de bout, donc pas de but sinon une flânerie que chacun se doit de rendre aussi agréable que possible, à l’exception des masochistes aidés en cela par les sadiques bien intentionnés.
Chercher un sens à la vie ?
Ça n’a pas de sens.
À moins de se limiter au bon sens et d’abandonner tout désir inutile de comprendre des notions dont la complexité ne peut être que nuisible au bonheur.
« En ce qui me concerne personnellement, je suis moi, je viens de chez moi et j’y retourne« .
Pierre Dac résume ainsi tout ce qu’il faut savoir du sens de la vie.