Frontier de Guillaume Singelin
30 décembre 2023Frontier est un drôle de bouquin, à la fois impressionnant par le format et rendu d’un abord très facile par le dessin. Le fil narratif entraîne le lecteur sans temps mort : on navigue aussi bien dans les pages que dans l’espace. Beau moment de divertissement pour tous lecteurs. C’est presque comme si le côté « édulcoré » du dessin rendait la lecture facile, presque sans profondeur.
La profondeur est dans les thèmes abordés
Ce serait oublier la profondeur, la pertinence des thèmes abordés dans ce travail de réflexion graphique. Tous les enjeux actuels y sont, sociaux, politiques, écologiques, économiques, humains, philosophiques. Tout est relié et chaque question permet de jeter un regard sur une question voisine.
Les frontières ?
Des frontières ? Lesquelles ? Celles de l’espace. Celles de notre propre soumission volontaire à un système dépassé. On s’y retrouve alors en compagnie de La Boétie et de son Discours de la servitude volontaire. La dette est omniprésente, qui dresse les uns contre les autres au lieu de conduire à des solutions partagées. Le bricolage, la récup rejoignent, de fait, les démarches écolos. Ils permettent aussi de revisiter des solutions abandonnées car pas assez rentables pour un progrès univoque et dévastateur. On rejoint là Le champignon de la fin du monde (Sur la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme) d’Anna Lowenhaupt Tsing.
Une ouverture de l’esprit
Ce Frontier est un vaste jeu de Meccano physique, intellectuel, humain à mettre entre toutes les mains. Un jeu d’aventure qui conduit à une forme d’optimisme sain, humain. S’y opposent, pour le plaisir du lecteur, l’esprit ingénieur et l’esprit bricoleur. Et, question d’âge sans doute, le leitmotiv repris par les personnages met dans le crâne la musique d’Angelo Branduardi Va où le vent te mène. Accompagnée aussitôt par les Petites boîtes de Graeme Allwright. Quand une lecture, une œuvre d’art, un spectacle vous ouvre les neurones à toutes sortes de références, la partie est gagnée. Les frontières dépassées.