La bienveillance

Le mot bienveillance est de mise. Son pendant est l’écoute. L’utilisation de certains mots est inversement proportionnelle au manque de ce qu’ils désignent. Faire société, le vivre ensemble, le faire, les valeurs ont du plomb dans l’aile, alors comblons leur défaut par des mots.

«  Je ne sais pas si cela vaut la peine de dire ce que je vais dire parce que j’ai clairement conscience de m’adresser à une masse d’idiots à la cervelle liquéfiée et que je suis sûr que vous ne comprendrez . rien. » Ce début vous plaît ? Il s’agit d’une captatio malevolentiae… » Telles sont les premières lignes d’un texte écrit par Umberto Eco intitulé Le loup et l’agneau, Rhétorique de la prévarication.

Captatio benevolentiae

« La captatio benevolentiae est un artifice rhétorique qui consiste…à s’assurer d’entrée de jeu la sympathie de l’interlocuteur. Lors d’un entretien télévisé avec deux journalites, Emmanuel Macron avait relevé que la question d’Edwy Plenel était une « captatio benvolentiae très précise. » Cette approche rhétorique vise à mettre ses interlocuteurs dans sa poche. Umberto Eco poursuit : « Naturellement, il y a des discours persuasifs qui peuvent facilement être combattus par des discours, plus persuasifs encore, qui montrent les limites d’une argumentation. Vous connaissez peut-être ( captatio) cette publicité imaginaire qui dit : « Mangez de la merde, des millions de mouches ne peuvent pas se tromper » et qui est employée parfois de façon ironique pour contester l’idée que les majorités ont toujours raison. » À rester dans l’argumentation stricte on s’y perdrait. Alors interviennent la persuasion, l’appel aux sentiments, la séduction pour emporter le morceau.

Prévarication

« Si, comme le dit le dictionnaire, la prévarication est l’abus de son propre pouvoir pour en tirer des avantages contre l’intérêt de la victime et une action contraire à l’honnêteté par transgression des limites du licite, souvent le prévaricateur, qui sait qu’il commet une prévarication, veut d’une certaine façon légitimer son geste et même, comme il advient dans les régimes dictatoriaux, obtenir l’accord de ceux qui en souffrent ou trouver quelqu’un qui soit disposé à le justifier. On peut donc être prévaricateur et utiliser des arguments rhétoriques pour justifier son propre abus de pouvoir. » Et Umberto Eco de citer Le loup et l’agneau.

Glissements divers

La fraude devient optimisation, ce qui sous-entend que ceux qui n’optimisent pas sont des médiocres. La répartition inégale devient ruissellement. Le rejet des nouveaux immigrés est justifié par le fait que l’on est soi-même issu de l’immigration. Les chômeurs deviennent des assistés…La langue conditionne notre perception de la réalité. L’actuel maire d’Annecy commence certaines phrases par «  Je ne sais pas si vous savez. » Complicité, connivence, bienveillance, amadouement. La bienveillance a bon dos. Quand  elle est captée par celles et ceux qui détiennent le pouvoir c’est comme dit l’autre qu’il « y a un loup ». À la fois un accroc et la volonté de le masquer.

Vous comprendrez que…

Reçu, alors que j’écrivais ce texte, une réponse négative à une une demande que j’avais formulée. Le refus comporte cette expression:  » Vous comprendrez que… » Non.