Michel Guérard
20 août 2024Michel Guérard n’est plus. Son livre, paru en édition de poche, sur la cuisine minceur fut une révélation. Privilégier les légumes, bannir le gras, une leçon de sagesse. Beaucoup l’ont suivi mais c’est Michel Guérard qui a initié ce mouvement de relations écologiques vraies avec la nature et avec ses semblables. C’était un plaisir de l’entendre appeler « Mes enfants » les gens de son équipe. Voici quelques extraits de textes déjà écrits par Talpa à propos de ce grand Monsieur.
En harmonie
À feuilleter un livre de cuisine de Michel Guérard, on note la qualité de l’expression, associée à une pensée qui place la cuisine dans un univers culturel, qui donne sens au geste, à la technique. Si la cuisine s’accompagne pour certains d’une violence nécessaire à la transformation d’une matière brute en un produit de consommation, l’approche de Michel Guérard repose autant sur l’accomplissement de gestes techniques que sur l’estimation personnelle que traduisent nombre d’adverbes :
délicatement, légèrement, soigneusement, équitablement, joliment, convenablement, imperceptiblement, confortablement, grossièrement, fortement, simplement, énergiquement, moelleusement, doucement, harmonieusement…
Faire recette de l’harmonie, de la douceur, du confort !
Benoît Vidal, chef deux étoiles
Qu’avez-vous appris chez Marcon, Guérard et d’autres?
De la technique. Les vieilles maisons étaient très dures autrefois. Il était difficile de s’y épanouir. L’écrémage naturel fait qu’il fallait être fort. Être à la fois fort et sensible permet d’aller puiser très profondément. Chez Michel Guérard, j’ai pris des baffes positives : on a le droit de faire des liaisons au jus de légumes ! De supprimer le beurre, la crème pour apporter de la légèreté tout en conservant du goût. On a le droit !
Benoît Peeters, aventurier de la pensée
L’idée d’un savoir qui nous traverse, auquel on revient quand on en a besoin, de livre qu’on abandonne parce que ce n’est pas la bonne période, livre qui va nous enchanter plus tard, c’est un savoir fondamental qui va à l’encontre de certaines pratiques dans lesquelles vous vous spécialisez, ce que vous étudiez doit vous servir. Très tôt le choix professionnel doit se fixer. Si vous êtes parti vers un métier manuel, vous êtes quasiment perdu pour l’intellectualité et la culture, ce sont des choses tellement aberrantes !
La rencontre
On revient à la cuisine. J’ai eu la chance de bien connaître et fréquenter Michel Guérard. Il avait été mis en apprentissage à peu près le jour de ses seize ans. Chez un traiteur. Et puis, le service militaire, et les restaurants des uns et des autres. Combien d’années faut-il pour s’autoriser à se dire « La peinture me passionne, mais les livres m’intéressent, comme les rencontres avec les gens. » Dans le cas de Michel Guérard, la découverte du métier de l’hôtellerie, puis du thermalisme, de la gestion d’une affaire devenue importante sans délaisser les fourneaux, l’écriture de livres, les voyages, tout ce cheminement n’était pas écrit. L’invention de la cuisine minceur, la rencontre avec des médecins, des diététiciens pour retrouver, à l’intérieur même de sa cuisine, ce rapport à la santé qu’il avait fantasmé étant enfant.
Ce cheminement, fait d’accidents plutôt heureux, s’est fondé sur un réapprentissage permanent et l’exploration de territoires pour lesquels il n’avait pas été formé. C’est l’histoire de ce petit apprenti qui ouvre un restaurant, obtient trois étoiles et les garde. Je pense que chaque personne devrait avoir cette chance du réapprentissage, de la possibilité de la réouverture, sans se dire que c’est réservé à ceux qui ont des professions prestigieuses, créatives, la reconnaissance publique ou du succès professionnel.
Laurent Petit, chef trois étoiles
Laurent Petit dit qu’il n’était pas véritablement fait pour la cuisine. Ce n’était pas trop son truc. Il y a eu le passage chez Michel Guérard. Une révélation! L’occasion de se structurer.
Lecture de l’album Sacrés chefs
Michel Guérard dénonce l’industrie alimentaire et en sage révolutionnaire conseille aux jeunes de reprendre le pouvoir sur eux-mêmes. Hugo avait mis un bonnet rouge à son dictionnaire. Michel Guérard compose le sien avec du bon sens, une certaine rusticité et beaucoup d’imagination. De la palette du peintre, nous passons avec lui à l’amour de la cuisine et des mots. Et aussi à l’art du contre pied puisqu’il s’amuse à rater un dessert pour en parfaire le goût.