Quichotte

Quichotte

18 septembre 2024 0 Par Paul Rassat

Impressions à chaud juste après la représentation à Bonlieu Scène Nationale du Quichotte mis en scène par  Gwenaël Morin. ( Photo Ch. Raynaud de Lage).

Raison et folie

«  La raison de la déraison qu’à ma raison vous faites affaiblit tellement ma raison qu’avec raison je me plains de votre beauté. » Le ton est donné ! Raison et déraison, bon sens et folie habitent le plateau pendant toute la représentation à laquelle participe le public lui-même figurant les fameux moulins. Avant l’ouverture des portes, dans la file d’attente, un lycéen inscrit en filière théâtre s’attendait à voir sur scène des cowboys ! Il a vu mieux.

Croire sans voir

Jeanne Balibar devrait payer une double taxe d’habitation : elle est habitée par le personnage de Quichotte, qu’elle habite de façon vivante, drôle, percutante, poétique. De qui elle fait le tour, de l’intérieur. L’ambiguïté est reine sur scène, le rôle de Quichotte tenu par une femme, un conteur tenu par Marie-Noëlle, la narration et les faits se chevauchant , se superposant par instants à se parasiter jusqu’à ce que l’action l’emporte sur le discours qui ne dit pas son dernier mot pour autant… «  L’important, c’est que sans la voir vous le croyiez ».

Le pouvoir des mots

Tout est dans le pouvoir des mots. Celui-ci apparaît dans le texte lu, puis adressé directement au public avant que soit évoqué le subterfuge de Cervantès faisant croire que le récit qu’il a écrit aurait été écrit d’abord en arabe. Arabe, langue dans laquelle se termine la représentation.

La folie du théâtre

Et tout s’éclaire. La folie de Quichotte est la folie du théâtre , créatrice, lumineuse, qui fait d’une boîte en carton un heaume de chevalier. Le plateau presque vide de décor laisse place à l’imagination, au jeu. À la profondeur de l’absurde. «  Un chevalier errant sans amour est comme un arbre sans feuille » et le Godot de Beckett pointe le bout du nez. Quel plaisir d’entendre l’évocation de À galopar de Paco Ibanez !

Et pour conclure, on déplace de gauche à droite les quelques éléments qui font décor, sans raison. Parce que raison et déraison font bon ménage ; parce que l’imagination et la réalité font chambre commune. Et que tournent les moulins.

Ce Quichotte est un enchantement pétillant d’irrespectueux respect.