Livres de recettes
4 juin 2025D’après une cheffe catalane, la moitié des livres de recettes ne servent à rien. Sinon à faire recette. Et encore ! Ces livres émaillés de photos qui veulent illustrer un monde d’excellence, dans lequel le produit est « sublimé », se vendent-ils ? Et si oui, à quoi servent-ils ? À entretenir tout un pan de l’édition. À faire des cadeaux en fin d’année. J’ai en édition de poche de magnifiques livres de Michel Guérard, de Joël Robuchon et d’autres. Pas de tralala, pas de pose. Les photos, s’il y en a, servent le propos . Dans bien des ouvrages d’aujourd’hui la relation est inversée. Quelques phrases accompagnent les images. Quant aux recettes, elle sont souvent impraticables. Alors, à quoi servent ces livres de recettes ?
Distanciation
Notre société, Talpa l’a déjà relevé, dit sans dire, dit faire sans faire. La distanciation linguistique distend le monde. On est en capacité de pouvoir faire ; il est bon de se poser la question de savoir si, etc. Notre monde déblatère jusqu’à plus soif. Pendant ce temps les recettes de l’état sont à l’étiage, le ruissellement s’évapore dans les paradis fiscaux, dans les niches fiscales, dans les investissements à l’étranger. Les programmes politiques deviennent eux aussi des recettes irréalisables. Il manque toujours un ingrédient pour remplir la marmite et renflouer le trou. Depuis si longtemps, on écoute des chansons en anglais dont on ne comprend pas les paroles. Distanciation chantée, politique, linguistique…Nous avons pris l’habitude de recevoir tout ceci comme un fond d’images et de son qui comblent la solitude dans laquelle nous plonge la technologie.
Saliver
Alors, tel un chien de Pavlov, on salive. L’édulcorant tient lieu de sucre. Il est censé nous faire moins consommer. Mais il renforce en réalité une forme d’addiction puisque nous avons un ersatz de sensation inachevée qui donne envie de renouveler l’expérience jusqu’à l’utopique satisfaction.
À tourner les pages d’un livre de recettes, on salive sans manger, ni pouvoir vraiment les réaliser. Alors on tourne de nouveau les pages, pour saliver de nouveau…car il est plus à notre portée de tourner les pages que d’aller au restaurant et de payer l’addition. C’est le principe du supplice de Tantale.