Jeunes et politique
25 février 2022« Les jeunes ne s’intéressent pas à la politique. »
C’est le malheureux constat que font beaucoup de responsables politiques, d’élus. Cet amalgame qu’ils énoncent les dispense de penser. Se demandent-ils si les jeunes ne s’intéressent pas à la politique parce celle qu’on leur propose fleure bon une époque révolue ? Les plus avisés de nos prétendants aux élections se disent qu’il est nécessaire de toucher les jeunes. Alors, s’ils sont incapables de changer de politique, ils tentent de transformer leur communication. « Faire de la politique autrement » fait partie de ce nouvel emballage.
Les jeunes, quels jeunes ?
Avant, le soir même et le lendemain d’un scrutin les politiques et les spécialistes analysent sondages et résultats pour dire aux Français ce qu’ils vont dire, ce qu’ils disent et ce qu’ils ont dit. Les jeunes, s’ils votent, ne sont au fond qu’un enjeu électoral. On pense à améliorer leurs conditions d’études et de travail à cette aune uniquement. Une élue de Haute-Savoie, peu après son succès électoral, dénonçait la paresse des jeunes qui ne veulent pas travailler, qui ne connaissent pas les valeurs du travail. Cela se passait dans le cadre d’un établissement hôtelier. Les patrons de celui-ci y soulignaient pourtant la nécessité d’améliorer les conditions du travail dans leur secteur professionnel.
Dans quel état-État sommes-nous ?
Voici, mot pout mot, fautes et disposition comprises, le message posté par cette élue sur un réseau social :
« Tous les francais veulent du social des crédits d’impôts des subventions des aides pour leurs associations ne pas payer l’hôpital ne pas payer leur traitement, augmenter les minimas sociaux augmenter les retraites accueillir plus de réfugiés mais ils ne veulent pas payer d’impôt et de taxe non plus voilà ce que je découvre depuis un an. Alors on fait comment ? Pendant des années ont leur a fait croire que c’était possible et ils essaient encore de le croire car l’état ce n’est pas eux mais alors qui est l’état ? »
Et on se demande pourquoi la politique n’intéresse pas les jeunes !
Du relâchement de la langue et de la pensée
Est-ce que ce sont les jeunes qui ne s’intéressent pas à la politique ? Ou bien la politique qu’on leur propose qui ne les intéresse pas ? La nuance est d’importance. Un peu comme lorsque l’on dit « Elle s’est fait violer » au lieu de « Elle a été violée, elle a subi un viol. » La première formulation est ambigüe. Elle laisse entendre que la victime a participé à son propre viol. Ce matin, un dirigeant syndical déclarait « L’État vient de piquer 8 milliards à EDF pour faire en sorte que les entreprises puissent… » Il aurait gagné du temps et de la clarté en disant « L’État vient de piquer 8 milliards à EDF pour que les entreprises puissent… » La taupe est tatillonne, pensez-vous. Non, « Le diable est dans les détails. »
Ptose linguistique et montée des extrémismes
La précision linguistique se relâche, se détend, s’affaisse. La langue perd de sa pertinence. Il faut des paroles fortes, des actes forts, des engagements forts pour tenter de contrecarrer la déperdition sémantique. Ceci fait la part belle aux extrémismes qui jouent du complot, de la martyrisation et de la peur. La pensée s’y trouve raccourcie à sa plus simple expression dans une communication choc.
Les jeunes
Et c’est ainsi qu’on évite de se prendre la tête. Pourquoi aller considérer que chaque individu est unique ? Les jeunes sont jeunes. Les vieux sont vieux. Les travailleurs sont travailleurs. Paris sera toujours Paris et la politique est la politique.