« Et Nietzsche a pleuré »
30 août 2022Irvin Yalom dans le désordre ! Après avoir rendu compte d’un autre roman paru postérieurement, Le problème Spinoza, Talpa s’intéresse brièvement à Et Nietzsche a pleuré ». L’auteur aime bien inventer et raconter des rencontres qui n’ont pas eu lieu. Entre Spinoza et Rosenberg, entre le philosophe juif et le nazi chargé de rafler les biens culturels. Cette rencontre à plusieurs siècles d’écart se produit par l’intermédiaire de la bibliothèque de Spinoza mais Rosenberg est incapable d’en lire le moindre livre. Tous ceux-ci sont écrits dans des langues qu’il ne comprend pas.
Nietzsche et Breuer, avec Lou Salomé et Freud.
Encore une rencontre imaginée par l’auteur, mais qui aurait pu avoir lieu. Nietzsche et un célèbre médecin viennois. Celle-ci, contrairement à la précédente, est féconde. En voici quelques extraits.
— « Aujourd’hui, j’ai compris que le meilleur maître est celui qui apprend de son disciple. »
— « …nous devons vivre comme si nous étions libres. Bien que l’on ne puisse échapper à son destin, il faut toujours foncer dedans tête baissée et faire en sorte qu’il s’accomplisse. Il faut l’aimer, ce destin… »
— « Quelle dose de vérité êtes-vous prêt à supporter ? »
— « Le secret d’une vie heureuse est d’abord de vouloir ce qui est nécessaire, et ensuite d’aimer ce que l’on a voulu. »
« Deviens qui tu es »
Nous souhaitons la liberté en nous délivrant des liens présents que nous avons créés. Or cette liberté ne peut se bâtir sur des liens, des situations, des relations passées. Si nous souhaitons changer, les autres aussi ont évolué. Impossible de revenir en arrière ! « Cette vie est votre vie éternelle. »
— « Pour établir une relation entière avec autrui, il faut d’abord établir une relation avec soi-même. Si nous sommes incapables d’affronter notre propre solitude, nous ne faisons qu’utiliser les autres comme des boucliers.
La véritable question est de quitter le statut d’êtres interchangeables qui remplissent des fonctions familiales, professionnelles pour celui d’êtres libres qui choisissent leur destin, quel qu’il soit. D’êtres qui préservent une part de liberté nécessaire à la formule « Deviens qui tu es », réponse en harmonie avec « Connais-toi toi-même. »
Philosophie vivante
Le mérite d’Irvin Yalom est donc de rendre vivante la philosophie par le biais de la psychanalyse. Les idées et les concepts sont d’abord des gens. La vie, même romancée, de Nietzsche ou de Spinoza permet d’entrer dans leur œuvre. D’y entrer sans se contenter de répéter des poncifs comme « Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort. » Formule désormais vide de sens. Le glacis du kitsch envahit notre monde. Le vide aussi, comme le démontre le livre de Pierre Bayard Comment parler des livres qu’on n’a pas lus.