Celle qui parle, de Alicia Jaraba
20 septembre 2022On lit en 4° de couverture de Celle qui parle. « Fille d’un chef déchu, offerte comme esclave, elle est devenue l’une des plus grandes figures féminines de l’Histoire… XVI° siècle, Malinalli est la fille d’un chef de clan d’Amérique Centrale… »
Esclave et femme
Fille de chef, Malinalli possédait des esclaves avant d’en devenir une elle-même. Son peuple redoutait les razzias des cruels Mexicas (Aztèques). C’est par des marchands d’esclaves qu’elle est capturée. Elle devient une force de travail dans les champs de maïs. Comme femme, elle est un outil sexuel. Elle le reste à l’arrivée des conquérants espagnols.
La force de la parole
C’est la curiosité, l’apprentissage et la maîtrise des langues de chaque peuple rencontré qui assure sa survie. Elle devient indispensable parce qu’elle traduit et transmet les paroles des uns aux autres. Mais un jour elle exige que l’on écoute ses propres paroles. Juif, esclave, victime, femme…chacun est prisonnier de son rôle ou doit ruser. « Mais toi, tu sais faire les choses autrement…Tu es celle qui parle » s’entend dire Malinalli. Elle est aussi celle qui est capable de dire non.
Choisir qui on est
Malinalli, Marina, Malintzin, La Malinche, autant de noms pour désigner une femme dont le rôle fut déterminant dans l’Histoire et qui exista par la parole. L’album se termine merveilleusement sur un silence…qui est un autre langage.
Traduire n’est pas trahir mais ouvrir
« La langue de l’Europe, c’est la traduction. » Barbara Cassin, académicienne rappelle cette formule d’Umberto Eco. Pendant longtemps a sévi une autre formule « Traduttore traditore ». Traduire, c’est trahir. Celle qui parle montre au contraire que la parole et la traduction permettent la rencontre de l’autre et la découverte de soi. La langue est un voyage intime avec les autres. D’où l’intérêt de l’enrichir au lieu de la réduire en des expressions clichés. Et de résister à la colonisation culturelle par le globish. [ Lecture conseillée par Gaëlle, de BD Fugue Annecy]