Traduction : piège à cons ou bien ouverture au monde?

Traduction : piège à cons ou bien ouverture au monde?

31 mars 2021 Non Par Paul Rassat

Pendant longtemps a sévi une autre formule «Traduttore traditore ». Traduire, c’est trahir. Ce qui, poussé à l’extrême, donne l’extrémisme religieux et les conséquences que l’on sait. Ainsi que les ancrages nationalistes et régionalistes perçus non comme des points de départ et d’ouverture mais comme des couvertures de repli. Ce qui nous fait remonter à la fameuse disputatio médiévale au cours de laquelle les rivaux tentaient de s’assommer à coups de citations au lieu de faire appel à leur esprit critique. Il fallut attendre la Renaissance pour que s’ouvrent les fenêtres des châteaux et la curiosité intellectuelle. On pense désormais que la traduction est un double enrichissement, qui ouvre la langue de départ ainsi que celle de destination. Vive donc l’ouverture, la créativité et la diversité opposées à la pauvreté que Claude Hagège dénonce dans « Contre la pensée unique ».

Traduire

C’est faire passer d’une langue dans une autre mais aussi expliquer, interpréter ou exprimer. La translation participe du même mouvement. L’impossibilité de traduire qui consiste à définir une chose par elle-même relève de l’imbécilité selon Barthes. Qu’en est-il de la polémique actuelle sur l’impossibilité pour un blanc de traduire un texte écrit par un noir ? Faudra-t-il établir un nuancier en matière de traduction ? Un homme pourra-t-l traduire une femme, et inversement ? Un hétérosexuel sera-t-il autorisé à traduire un homosexuel ? Le métis ou la métisse en tous domaines risquent d’être très recherchés.

La diffé-rance
Dessin de Xavier Gorce

Identité

Plus nous sommes hors sol, plus nous croyons nous rassurer en nous ancrant à ce qui nous sépare des autres au lieu de nous affirmer en nous ouvrant. Nous avons peur de nous diluer, de ne plus nous reconnaître au point de prendre des selfies en toutes situations. Pour être sûrs que nous existons. Avez-vous remarqué que la plupart de nos messages commencent par le patronyme ou le prénom du destinataire ? Qui est pourtant censé connaître son nom ou son prénom. Que les papiers d’identité prouvent celle-ci aux forces de l’ordre qui étaient autrefois les gardiens de la paix mais aussi au détenteur des dits papiers. Une sorte de selfie administratif.

Contextualisation

À figer ainsi notre monde, nos personnalité, les catégories dans lesquelles on nous contraint et que nous acceptons au point de les revendiquer, nous figeons nos vies. Au-dessus, le plafond de verre, en face, le mur dans lequel on va tout droit. « On est dans un monde où… » entend-on dire. On ne vit pas le monde, on est dedans. Ce qui nous relie à lui crée une distance. Nous catégorise. À figer, à séparer, nous décontextualisons nos vies comme certains le font pour les textes sacrés. Ceci conduit à un immobilisme de la pensée et à un repliement sur soi, sur un clan, un groupe social ou autre.

Un peu de culture

Ah ! Insensé qui crois que je ne suis pas toi !

Victor Hugo

Hypocrite lecteur,-mon semblable,-mon frère !

Baudelaire

Le soliloque de la taupe

— J’avais prévu une réunion non mixte avec moi-même à condition que l’autre partie de moi se taise. Est-ce toujours une réunion si ma conscience doit se taire ?

L’Éditaupe # 19

Culture toujours

 Tagada Christie est une auteuse de romans policiers mondialement connue. Son succès est dû à un savant mélange de rythme, bien sûr, de muscle et de fibre apportés par le héros Hercule Poirot, la fibre étant propice au transit littéraire. Transit qui a fini par aboutir à un transfert de titre. Dix petits nègres est devenu Ils étaient dix. On pense, paraît-il, à rebaptiser Noir c’est noir que chantait Johnny Halliday. Gris c’est gris choquerait les défenseurs des escargots petits gris. À suivre.