Acheter de l’art ?
15 juin 2023— Acheter de l’art, vous n’y pensez pas ! L’art ne sert à rien sinon à décorer. Il meuble alors que nous avons besoin de produire, de rentabiliser, d’être efficaces. Nous vivons la glorieuse ère du « faire ».
— Vous me semblez bien à cheval sur le faire. Tellement que vous le réduisez à sa dimension de fabrication matérielle avec retour immédiat sur investissement. Fabriquer, produire en série, faire croire que chaque objet produit industriellement est unique ! La publicité, la communication et les influenceurs veulent nous faire croire que c’est l’usage que le consommateur fait d’un objet standard qui rend le consommateur unique. Tour de passe-passe, enfumage !
Chaque œuvre d’art, en revanche, est réellement unique, comme chacune et chacun de nous. Et de chaque rencontre avec une œuvre d’art naît une relation véritablement unique renouvelée à chaque instant.
— C’est bien ce que je disais. Non seulement l’art ne sert à rien mais il crée, en plus, des relations instables, de l’incertitude.
L’art et l’accident
— Il permet l’accident. C’est-à-dire, étymologiquement, ce qui arrive. Il permet à des sensations, à des émotions, à des découvertes de se produire.
— Avec le danger de basculer dans l’inconnu !
— Avec la chance de vivre une aventure. Pierre Soulages aimait citer Jean de La Croix :
« Pour toute la beauté
jamais je ne me perdrai
sinon pour un je ne sais quoi
qui s’atteint d’aventure ».
Risquez l’art. Risquez l’aventure de l’art ; vous vous y trouverez peut-être en aventurier. Et n’oubliez pas que l’origine du mot poésie renvoie à « Je fais, je produis ». Faites-vous artistes et poètes.
Prenez le contre pied
« Bien sûr, dans notre monde dominé par l’homo oeconomicus, il n’est pas facile de saisir l’utilité de l’inutile et, surtout, l’inutilité de l’utile (combien de biens de consommation non nécessaires nous sont-ils vendus comme utiles et indispensables ?). »
Nuccio Ordine L’utilité de l’inutile
« Casser les codes, changer de paradigme, faire bouger les lignes », autant de formules creuses. Vivez l’art en revoyant les frontières entre l’utile et l’inutile. Entre vous et vous.
À quoi ça sert, Mozart ?
C’est vrai, à quoi ça sert un écrivain ?
À quoi ça sert Mozart ? Ou Duke Ellington ?
Ça va loin cette question-là… Moi je crois
Que ça sert à faire des villes. Ça sert à faire
Un type de relations, un type de maison,
Un type de rue, un type de parlottes dans les
Rues, un type de rassemblements.
Ça sert à faire des calendriers, des fêtes, des samedis et
des dimanches. Ça sert à faire des questions
sur la vie et sur la mort… C’est interminable
parce qu’il faut continuer. Parce qu’il ne faut
pas s’asseoir. Mozart n’est pas un luxe. C’est
un fantastique chant de l’homme entre son
énigme et les énigmes du monde. C’est une
fantastique tendresse, un remuement de toutes
les forces de l’enfer et du ciel. Une bataille
qui n’est jamais finie. Un risque perpétuel.