Billy Wilder et moi, une épiphanie littéraire

Billy Wilder et moi, une épiphanie littéraire

29 octobre 2021 Non Par Paul Rassat

L’art de suggérer

« Nous sommes plutôt de l’école de Lubitsch…On ne souligne pas les choses, on les suggère. On a recours à un peu de subtilité, on pousse le spectateur à faire le travail. » C’est ce que Jonathan Coe fait dire à Billy Wilder qui inclut son co-scénariste I.A.L Diamond dans son propos. Cette façon d’envisager l’art est partagée par Talpa.

D’abyme en abyme

Le roman de Jonathan Coe exprime (presse et fait émerger) tous les liens entre un homme et lui-même. Entre la création et sa vie présente, passée, en perspective. Entre le privé et le public. Les mises en abyme sont multiples et permanentes. Elles apportent une complexité de regards qui transforme la réalisation d’un film en métaphore de la vie.

Créer ?

Créer serait davantage chercher quelque chose que le réaliser ou le mettre au monde. Quelque chose ou quelqu’un que l’on cherche parce que l’on ne le voit pas encore ou parce qu’on ne le voit plus. Talpa aime tout particulièrement cette citation d’Alan Bennet extraite de La reine des lectrices « On n’écrit pas pour rapporter sa vie dans ses livres, mais pour la découvrir. » La création est une conversation continue entre le monde et soi, qui permet de se créer dans le même temps.

Le goût de la création et de la vie : madeleine de Proust ou brie de Meaux ?

Un épisode du roman rapporte une halte de Billy Wilder pour déguster du brie alors qu’on l’attend sur le tournage d’un film. C’est l’occasion pour l’exilé de retrouver un moment le goût de l’Europe, le goût de la terre. Après deux brie de Melun déjà excellents, le paysan apporte une roue de brie de Meaux qu’il fabrique lui-même.

L’épiphanie gastronomique et artistique

Voici comment l’interprète qui accompagne Billy Wilder décrit cette dégustation :

« Tout convergea d’un coup – la bouffée d’espoir suscitée en moi par ce qui avait été dit au sujet de Matthew, le plaisir, le plaisir encore ahuri que m’inspirait sa compagnie, le goût somptueux du fromage, la chaleur du vin, le charme intense de la nature autour de nous…le ciel sans nuages au-dessus de nos têtes…tout cela convergeait, à tel point qu’encore aujourd’hui, quand on me demande à quoi le bonheur ressemble pour moi, c’est le moment que j’évoque toujours, auquel je reviens toujours. Ce moment ! Ce souvenir !

«  Je suis au paradis » fut tout ce que je parvins à dire. »

La complexité du monde

Quelques lignes au-dessus, Calista analysait « Les arômes vous parvenaient, l’un après l’autre, chacun plus complexe et plus subtil que le précédent… » Quand tous les goûts qui la composent fusionnent harmonieusement au lieu de se contrarier, la vie est un festin. Il faut alors goûter l’instant.

Et Billy Wilder / Jonathan Coe de conclure « Peu importe ce qu’elle te réserve par ailleurs…la vie aura toujours des plaisirs à offrir. Et il faut savoir les saisir. »

Une couverture qui révèle au lieu de cacher

Regardez la couverture du roman. Le regard de Calista est fixé sur Billy Wilder vu de dos qui regarde le paysage et dont la caméra capte l’image prise dans la lumière des projecteurs. Réalité, fiction, création ? D’autant plus que, dans les 295 pages du roman, il y a aussi Jonathan Coe. Et vous ou moi qui les lisons !