Boris Cyrulnik. Le petit Boris abrégé
9 mars 2022La nuit, j’écrirai des soleils contre la ronronisation du monde
« Sans souffrance, nous n’aurions besoin de personne. Sans manque, nous n’aurions rien à créer. Sans rêves, nous serions inertes. Notre existence ne serait qu’un vide, un non-sens pire que la douleur. » Plus loin Boris Cyrulnik cite J. C Métraux Deuils collectifs et création sociale « …certaines tragédies humaines modèlent le sens. » Une création naît de l’absence, reprend Cyrulnik, c’est ainsi qu’elle parvient à tisser des liens invisibles. Une pensée qui se déroule sans surprise routinise la conscience, comme un ron ron bienfaiteur. En améliorant la récitation, elle empêche la prise de conscience…» C’est toujours comme tombeau que s’élabore la culture. » René Girard Des choses cachées depuis la fondation du monde….
Le récit salvateur
Vers l’âge de six ans, son cerveau (celui d’un enfant) est assez développé pour le faire accéder à la représentation du temps. Dès lors, il a besoin de récits pour imaginer la place qu’il devra prendre dans le monde des adultes….L’imaginaire enfantin a besoin qu’on lui présente des animaux, des plantes, des étoiles et d’autre petits enfants soumis comme lui aux gentils et aux méchants L’imaginaire adolescent se remplit de récits sexuels et sociaux…L’imaginaire adulte se nourrit de théories familiales et sociales. Et l’imaginaire âgé écrit des mémoires qu’il espère léguer à ses enfants.. Ces récits inévitables s’alimentent de fragments de réel qui construisent un imaginaire. Faire un récit, c’est révéler l’intention organisatrice de celui qui, en parlant, désire agir sur l’esprit de celui qui écoute. »… » En bousculant nos représentations, la taquinerie fictionnelle nous invite à réaménager nos connaissances, comme une création incessante…
Échapper à réduction de la récitation et du slogan
L’antonyme de « fiction » n’est donc pas « réel », ce serait plutôt « slogan », quand une formule pétrifie la pensée sous la forme de certitude. La récitation d’un slogan nous unit pour mieux nous soumettre. » La fiction, au contraire, nous ouvre, nous fait voyager, réagence le réel et l’enrichit d’autres hypothèses. « Tout récit est donc une bienfaisante trahison du réel. »
Le poids des mots, le choc zozios (diplômés)
« Pour avoir droit à des examens, il fallait réciter, répéter, rapporter. Pas comprendre. Pour obtenir un diplôme, il suffit de répéter à peu près ce qui est écrit…Faut pas aimer trop la vie, c’est un handicap pour l’école. Mais si on est un peu routinier, un peu anxieux, obéissant, soumis, on est parfaitement adapté à l’école. L’école et l’université fabriquent des perroquets diplômés… » Boris Cyrulnik Siné Hebdo 17/2/2010. En conclure que l’école prépare à l’ingestion de slogans à l’aveugle ? Talpa a longtemps enseigné et partage cet avis. C’est pourquoi la taupe aime citer Denis Guedj et sa conception de la pensée hypothétique. Répondant au fameux « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement », Heinrich von Kleist soutient que la clarté s’acquiert avec la répétition. Si donc une idée est exprimée confusément, il n’en résulte pas du tout qu’elle ait été pensée de même : il ne serait pas impossible que les idées les plus confusément exprimées fussent les plus clairement pensées… » L’élaboration de la pensée par le discours. Ajoutons que les pensées les plus clairement exprimées ne sont plus pensées. Ressassées et mortes, elles deviennent slogans.
Quand Cyrulnik nous la fait à l’envers
La narapoïa est une psychose très grave où le malade délire tellement qu’il est convaincu que tout le monde lui veut du bien. Faut être malade… Alors, cette psychose grave a été décrite pour la première fois par Otto Crank. Je vais donc vous exposer la psychose et puis la vie et l’œuvre d’Otto Crank. Lorsque Otto Crank s’est rendu compte que les narapoïaques pensaient systématiquement qu’on leur voulait du bien, il a envisagé deux traitements, un traitement par chimiothérapie, un kilo d’ergatif le matin, un kilo le midi, deux kilos au coucher et après quelques semaines de traitement on a pu constater une nette amélioration parce que le malade commençait à se demander si on lui voulait vraiment du bien. Alors ensuite il a préféré la psychothérapie pour soigner la narapoïa et c’est alors qu’Otto Crank a découvert la psynachalyse, Conférence donnée au Théâtre du Rond Point. (Extrait).
À quoi pensez-vous ?
Pour le journal Libération, Boris Cyrulnik terminait son pensum ainsi :
« — Je pense qu’il y a actuellement cinq à six mille rapports sexuels par vie de couple.
— Je pense qu’il y a 1,7 enfant par femme.
— Je pense que ça fait un enfant pour trois mille rapports sexuels.
— Je pense que je viens d’apporter la preuve mathématique qu’il est impossible que les rapports sexuels soient la cause de la grossesse.
— Je pense que pour faire croire que je pense, j’ai passé de nombreux examens.
— Je pense que je doute que je pense donc je pense que je doute que je pense donc… »
Qu’en pensez-vous ?
Résilience secondaire
Le verbe résilier vient du latin resilire, sauter en arrière, rebondir, rejaillir, se retirer. La résilience est donc l’art de changer de pas pour rebondir. Amusant de constater l’emploi du verbe rebondir dans nos conversations. On rebondit sur tout. Sur le propos du voisin, sur une situation, un événement. L’usage est de rebondir en fonction de quelque chose, à la surface, alors que la résilience permet de rebondir en profondeur. À l’intérieur de soi pour émerger différemment. L’humour, le détournement du sérieux pratiqués par Boris Cyrulnik en sont des illustrations nécessaires. Vitales.