Cuisine et politique
9 juin 2025La façon de se nourrir est culturelle et politique. Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es. La cuisine politique est la façon d’accommoder les ingrédients sociaux dans le grand chaudron des élections, des programmes et des campagnes électoraux. Cuisine et politique sont très liées.
La tradition bourgeoise
En France, la cuisine s’appuie essentiellement sur la tradition bourgeoise. Celle-ci s’est d’abord inspirée de la tradition monarchique (démonstration, apparat) avant de se figer sous les glacis d’une présentation kitsch. Roland Barthes consacre un chapitre de ses Mythologies au phénomène de la cuisine bourgeoise. Il s’agit en somme de faire mousser, de faire croire à un mouvement alors que l’essentiel du plat est figé sous la mousse et le glacis. Itou en politique ! Il s’agit de prétendre faire du neuf avec du vieux tout en conservant le vieux parce qu’il est difficile d’avoir des idées neuves. La France croule sous la politique bourgeoise reliée aux épices monarchiques de Versailles, du Palais de l’Élysée, du Luxembourg…
Tentatives rénovatrices
Il y eut bien le mouvement des Rénovateurs en politique. Las, Michel Noir, Alain Carignon et les autres tournèrent comme une sauce mal maîtrisée. La nouvelle cuisine fut applaudie à sa naissance, accompagnée par les guides, puis oubliée. Il en demeure cependant un certain allègement des sauces que l’on ne retrouve pas vraiment en politique.
Cuisines diverses
La cuisine internationale accompagna la globalisation. La street food a davantage de succès que les Gilets Jaunes et la politique de la rue, méprisée, mal vue par les élus qui y voient une concurrence malvenue. C’est un plaisir urticant que de rappeler ce roi qui fit tirer à la mitrailleuse, à partir d’hélicoptères, sur les foules manifestant contre la hausse du prix du pain. Il faisait la différence entre le peuple et la populace ! La fast food ressemble à ces propositions et ces programmes qui meublent le paysage mais ne nourrissent pas leur homme. Il convient de faire la différence entre les plats attachants et ceux qui attachent, à la manière des casseroles attachées au cul des politiques.
Premiers et derniers
Relevons la valse des étiquettes jaunes signalant les produits en bout de course proposés à – 30%. Ceux qui finissent aux Resto du Cœur. Ils illustrent la fameuse théorie du ruissellement qui, tout en bas, atteint les plus mal lotis. À l’opposé, les chefs étoilés seraient les premiers de cordée. Le soufflé fait toujours impression : vendre du vide ! Mais il nécessite un timing parfait.
Interférences
Relevons la réforme signature, la salade décret et le panachage électoral d’une part. Le sondage à cœur du rôti, l’épluchage de grosses légumes et l’impôt sur la viande revenue d’autre part. Ainsi que la dissolution et la cuisine moléculaire.
Tambouille et service
Il y a , bien sûr, les ingrédients, la tambouille, mais aussi le service. Celui à la russe a remplacé le service à la française qui consistait à apporter tous les plats en même temps. À la russe, les plats se succèdent, et on les sert à l’assiette. Individuellement. On sépare. C’était le début de la fin, chacun mangeant dans son coin. Assez paradoxal pour une coutume russe, alors que la Russie fut communiste avant de devenir poutinienne. Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es. Dis-moi quelle politique tu fais, je te dirai comment tu manges.