Cure detox

Cure detox

13 octobre 2021 Non Par Paul Rassat

Cure detox d’automne

L’automne est là. Une cure detox s’impose après les plaisirs du printemps et les excès de l’été. Purifiez votre foie, vos reins avant les agapes de fin d’année. Différentes méthodes sont efficaces. Les jus frais et drainants dont certains contiennent de la gentiane à consommer autrement qu’en genépi. Le bouleau, en cette période de relance du travail, a des vertus confirmées. Le radis noir et le charbon actif sont très efficaces. Ils présentent pour certains l’inconvénient d’être noirs, ce qui nous mène à la suite de cet article.

Cure detox intellectuelle

 Du fameux « Mens sana in corpore sano » la plupart ne semblent retenir que le « corpore sano ». Pensez aussi à entretenir votre esprit ! Faites-le bénéficier lui aussi d’une cure detox. Évitez cependant le sevrage trop brutal des réseaux sociaux, de la publicité, de la propagande qui en entretiennent artificiellement le fonctionnement. Vous pourriez vous trouver désemparé à constater un vide existentiel habituellement comblé par le gavage des tuyaux de l’info. Car même si vous n’en avez pas conscience, vous êtes intubé. On vous intube en permanence.

Le grand remplacement

On substitue à ce que vous pourriez être et penser par vous-même une bouillie artificiellement colorée et enrichie d’exhausteurs de goût. Voici en quoi consiste le véritable grand remplacement dont on nous rebat les oreilles. Il est déjà à l’œuvre. Ni vu ni connu, je t’embrouille, je te remplace les idées, la comprenette et le système de reproduction intellectuel.

La grande réduction du langage

La réduction du langage participe de ce grand remplacement. La langue s’appauvrit.

«  On est dans une période où il y a une émulation collective. Que ce soit, voilà, dans le quotidien… » « On est dans un monde qui est en train de craquer. C’est viral » entend-on déclarer des experts. Verbiage et remplissage de temps de parole. L’expression « On est dans … » relève du constat. C’est comme ça. Qu’y faire ? C’est une autre paire de manches puisque c’est viral. Nous devenons tous des experts qui analysons et constatons. Cynthia Fleury elle-même employait trois fois de suite, à la radio, « On est dans un monde où… » Nous vivons à l’ère du constat.

Circonlocutions, détours et effet de masque

Nous créons aussi un double mouvement contradictoire. Alors qu’on ne cesse d’avancer qu’il faut regarder la réalité en face, notre vocabulaire la tient de plus en plus à distance.

« On sera dans une incapacité complète de faire cette transition… » On ne pourra pas faire cette transition ?

« Ils essayent de faire en sorte que… » Ils essayent de ?

Grand remplacement du discours indirect par le discours direct

« Est-ce que vous arriverez à savoir qu’est-ce qu’il y a dans ce gâteau ? » Ce qu’il y a dans ce gâteau ? »

« On n’a pas expliqué qu’est ce qui vous a poussé à créer ce groupe. » Ce qui vous a poussé ?

« On sait c’est la faute à qui si quelque chose ne va pas »

Être, avoir, se faire et se faire avoir

On entend assez souvent dire « Elle s’est fait violer » (quand ce n’est pas « Elle s’est faite violer »). Cette formulation laisse entendre que la victime a fait quelque chose. Il vaudrait mieux dénoncer «  Elle a été violée », par exemple. Ce matin, Marylin Maeso parlait fort bien de son livre La petite fabrique de l’inhumain. Il semble y être question de ces habitudes qui nous tiennent à distance du réel et nous privent ainsi de réactions saines et efficaces. La dégradation de la langue fait partie de ces habitudes. Marylin Maeso elle-même, déclare dans la même interview « Ce n’est pas parce qu’on a laissé Mila se faire harceler… » On a laissé harceler Mila ? Le diable est dans les détails, paraît-il.

Recette detox pour voir la réalité en face

Prenez les onze milliards trois cents millions de dollars planqués dans des paradis fiscaux. Divisez cette somme par le nombre d’habitants de la planète. Multipliez le résultat par le nombre de personnes abusées par des religieux. Soustrayez le nombre d’années d’un mandat présidentiel en France et ajoutez l’âge de l’actuel Président de la République. Voilà. Vous avez l’algorithme de la réalité en pleine face sinon en pleine gueule.

Wittgenstein, la pensée et le langage

« Nous ne pouvons pas penser que nous ne pouvons pas penser ; nous ne pouvons donc pas dire que nous ne pouvons pas penser. » Et nous laissons d’autres que nous penser à notre place. Voici le véritable grand remplacement contre lequel une cure detox s’impose. Au bouleau !

Tu me casses les codes !

Et ainsi, ne pouvant pas penser ni dire que nous ne pensons pas, nous sommes dans le « faire ». Et pour ce faire, ou bien le faire croire, nous affirmons que nous cassons les c… codes, que nous changeons de logiciel, que nous bougeons les lignes. Intox ! Avec ces expressions nous masquons notre inefficacité et notre passivité que nous voilons d’éléments de langage. Cachez ce rien que je ne saurais voir ! Et arrêtez de me casser les codes !

La photographie montre le jeu « La pharmacie des mots » édité par Joca Seria.