Des trous dans le fromage ?

Des trous dans le fromage ?

5 janvier 2025 0 Par Paul Rassat

De nombreux progrès ont été accomplis depuis cette lointaine époque. Il semblait alors évident d’évider le fromage en y faisant des trous. C’était le temps du Poinçonneur des Lilas. On faisait des trous dans la matière pour la contrôler et la valider. Les spécialistes sont parvenus à mettre du fromage autour des trous. On part aujourd’hui du vide pour créer, alors qu’on croyait autrefois qu’il fallait partir de quelque chose.

Le vide et le rien

Question subsidiaire: le vide est-il équivalent au rien? Le vide est le contraire du plein ( d’essence ou autre), mais le rien? Le contraire du tout? Qu’est-ce ce que le tout? Surtout qu’il nous arrive de déclarer : «  C’est pas l’tout, j’dois aller faire les courses », ce qui traduit peut-être un vide de la pensée, ou du moins une disponibilité à remplir le ventre et l’esprit . Au fond, le fromage, avec ses pleins et ses trous est l’image de cette attente philosophiquement existentielle à vivre pleinement.— Vous m’en mettrez 300 grammes, s’il vous plaît. — Râpé?—  Non, je tiens aux trous.

Mise en forme

Ces réflexions pourront sembler à certains fumeuses et de troisième ordre. Ce serait oublier que le mot fromage vient du nom forme. On a longtemps fait du formage comme les enfants vont au pestacle. Puis le mot a évolué, mais le fromage est toujours du lait mis en forme ronde, carrée, pyramidale. Du lait en conserve. Une façon de solidifier plus ou moins un liquide. Avec ou sans trous ?

Les trous sont-ils réels ?

L’importance et la nature du trou ont déjà été traitées par Talpa à plusieurs reprises. Contentons-nous de citer de nouveau cet extrait de Aristote chez les Helvètes. «  Le vrai mystère n’est pas de savoir d’où viennent les trous, mais d’abord de savoir s’il y en a. Après tout, les trous sont des exemples paradigmatiques d’absences, de non-entités, de riens, de choses qui n’existent pas. Comme le dira Tucholsky lui-même quelques années plus tard: « Il n’y a de trou que là où il n’y a rien. » Seul un philosophe austère oserait peut-être douter de la réalité du fromage que nous mangeons et de celle des autres objets. Mais peut-on sérieusement admettre la réalité des trous ? »

La vraie nature du fromage ?

À ce point de notre réflexion, il est possible de se demander s’il y a une différence de nature entre le fromage avec trous et le fromage sans trous. Et si oui, existerait-il un fromage véritable et une approximation ? Lequel serait le vrai : avec ou sans trous ? Certains répondront que le trou est indispensable, de notre naissance à notre mort. Les autres se contenteront de manger leur fromage, même en l’absence de poire.