Entre la poire et le fromage, le métissage social

Entre la poire et le fromage, le métissage social

18 juillet 2021 Non Par Paul Rassat

Après l’article sur Pierre Gay, fromager affineur, Talpa continue de creuser la question du fromage…avec celle de la poire.

La tradition est de relier cette expression à l’ordonnancement des plats, le fromage avant le fruit ou bien l’inverse et de préciser que ce moment indique la fin du repas. Pour certains « entre la poire et le fromage signifie » entre deux événements. Massimo Montanari consacre tout un livre à cette formule. Nous pourrions approximativement la résumer ainsi : jusqu’au Moyen Âge les produits comestibles provenant de la terre étaient réservés aux gens de basse extraction, aux pauvres. Sous terre se cachent effectivement les enfers, l’impur. Les produits « aériens », en revanche, voisinaient avec le ciel. Ils en tiraient la pureté qui les destinait aux nobles, aux classes dites supérieures. Ajoutons que pendant longtemps la fabrication du fromage a donné des produits très approximatifs.

Évolution

Et puis.

Et puis la qualité des produits fromagers a progressé. Le haut de la société a jugé idiot de s’en priver. Les mentalités ont évolué, la société s’est ouverte. Des classes inférieures se sont élevés certains qui ont pu avoir accès à une alimentation jusque-là interdite. Entre la poire et le fromage les barrières sont tombées, annonçant des métissages plus prononcés. C’est alors qu’est née la notion de goût pour recréer de manière plus ou moins pertinente des barrières entre les classes sociales. Le goût et le bon goût liés à l’éducation en général et à celle du palais aussi remplacèrent les barrières préétablies. C’était un progrès, un métissage socialo-gastronomique que marque l’expression « entre la poire et le fromage », entre riches et pauvres, entre nobles et roturiers, entre le ciel et la terre, entre fleurs et racines.                                                                                                                                                           

Relire La Fontaine

C’est peut-être à cette aune qu’il faut relire « Le corbeau et le renard » de ce bon La Fontaine. Le terrestre fromage se devait de regagner cet étage plus modeste qui le rapproche de la terre et de l’herbe dont il est issu après s’être égaré dans le bec du corbeau et à la cime d’un arbre, Corbeau et Renard également qualifiés de « Maître » par La Fontaine qui fit de cette aventure tout un fromage en la mettant en forme poétique. Notons que le mot fromage dérive du latin formaticus signifiant moule, cette forme dans laquelle ils sont moulés.

Cette fable fromagère évoque aussi le verbe fromager  qui signifie « ajouter du fromage râpé à un plat devant être gratiné.

Le corbeau et le renard ? une histoire gratinée.