L’Éditaupe #1 — Sécurité globale
25 novembre 2020Enfermé dans sa caverne et dans ses galeries, chacun de nous se contente d’entrevoir le monde. Les taupes peuvent-elles nous fournir de bonnes lunettes ?
Dialogue de taupe
— Paraît qu’une taupe très sage, il y a longtemps, prétendait que notre galerie n’est pas le monde.
— ?
— Ce qu’on voit n’est pas la réalité mais une image de celle-ci.
— Et alors, t’as beau changer d’images, c’est toi qui vois !
— Justement, tu ne vois peut-être pas la même chose que moi.
— Tu veux qu’on en parle ?
— Oui, mais faudrait déjà définir le sens des mots qu’on emploie.
— Et si on creusait un peu, pour se détendre les neurones ?
— Ils ont fait quoi le Taupes Saint-Germain au dernier match ?
— Match nul, interrompu par un éboulement de galerie.
— Allez, on creuse !
Loi de sécurité globale
— Une loi pour protéger ceux qui nous protègent.
— Mais qui pour protéger ceux qui protègent ceux qui nous protègent ?
— La loi, aussi.
— Donc les citoyens puisque nous sommes en démocratie et que la loi émane des citoyens.
— Oui. Ce sont donc les citoyens qui se protègent eux-mêmes.
L’un des passages de ce texte de loi qui fait polémique concerne la diffusion d’images dans l’intention de nuire.
La notion d’image
De quelle image parlons-nous ? Le mot image désigne l’apparence d’un objet, la représentation de cet objet, qui peut être concrète (film, photo) ou abstraite (pensée, imagination, souvenir). « Imago » l’origine latine signifiait la représentation, l’imitation, la copie, la comparaison (prendre une image) la parabole, la reproduction…Cette multitude d’acceptions pose la question « Qu’est-ce qu’une image ? ». Un enregistrement neutre de la « réalité » ?
Ceci n’est pas la représentation d’un représentant des forces de l’ordre
Mise en scène
Dans La guerre du faux (édition de 1985 !), Umberto Eco souligne à quel point tout ce que montre la télévision est conçu pour être montré à la télévision. Le ballon de football est devenu télégénique. Les matches de tennis sont calibrés pour laisser place à la publicité aux changements de côté. Tout est mis en scène, même la télé-réalité.
Umberto Eco cite la retransmission de Trooping the Colours et du royal wedding au royaume-uni. Le crottin de cheval y est « ton pastel, entre le beige et le jaune, très lumineux de façon à s’harmoniser avec les couleurs tendres des vêtements féminins ». Pendant la semaine qui précède l’évènement, les chevaux royaux reçoivent une nourriture spéciale à cet effet. Rappelons la blague qui consiste à demander la différence entre des pom pom girls et des chevaux. Réponse : le chromosome permettant aux premières de ne pas faire caca pendant le défilé.
Éducation, esprit critique
Montrer des images qui ne sont pas mises en scène devient de plus en plus délicat dans un monde saturé d’images qui entraînent dès leur partage des réactions impulsives. Il serait sans doute plus sage de limiter la diffusion d’images aux documentaires animaliers ou scientifiques, à la photographie de natures mortes. Il faudrait sinon revoir tout notre système d’enseignement et y développer l’esprit critique. « Vaste programme » aurait dit le Général.
Droit à l’image et intention
Le « jus imaginis » posait déjà problème à l’époque de l’empire romain et donne lieu encore aujourd’hui à une multiplicité d’interprétations le concernant. La polémique concernant la loi de sécurité globale porte essentiellement sur la volonté de nuire liée à la diffusion de photos ou de films.
Et tout est dans l’interprétation. Toujours cette nuance entre l’esprit et la lettre.
Quand la taupe réfléchit à haute voix…
« Ça ne sert à rien de voir loin, on y va jamais, quand on veut aller loin ça devient près et le loin redevient loin. Supprimons le loin »
La taupe a un regard perçant.
L’avantage de la taupe est qu’elle ne voit pas ce que nous voyons, car étant myope, elle voit des choses que nous, nous ne voyons pas. Les impressionnistes auraient eu le même souci avec leur vision. Couleurs mélangées, petits points, brumes ocres et bleues. Les taupes devraient peindre la Tournette comme jadis Cézanne peignit la Sainte-Baume, dit Paul La Taupe, au bistrot de Gémenos. Paulo le pinceau…
J’aime beaucoup cette Taupe, sa vison floue voit mieux que nous.
Tout est bon dans la Taupe , le met est subtile, raffiné à l’extrême, comme le Taupe têtue, courageuse, obstiné il cherche chaque papille, tout semblant de réflexion d’où jaillit le renouveau de la révolution de tous les sens jusqu’aux fondements gargantuesques du cloaque sociétal.
Vive les Shadoks pur jus .
Hauts les cœurs.